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08 septembre 2016

Rentrée politico-littéraire

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13 mai 2015

Le mirage allemand

le hareng de bismarck.jpgJean-Luc Mélenchon vient d’écrire un nouveau livre et il annonce la couleur tout de go : il s’agit d’un pamphlet !

Un texte rédigé sur un ton acerbe, délibérément polémique, franchement provocateur, bref destiné à susciter un maximum de réactions.

L’ancien candidat à la présidence sait qu’il n’existe pas de démocratie sans débat démocratique. Et qui dit débat dit échange de points de vue, confrontation d’arguments, développement d’opinions contradictoires.

Le cahier de charge annoncé est rempli : on retrouve dans les 200 pages du bouquin toute la verve et la pugnacité du tribun de gauche. Et il sera bien difficile au lecteur de rester indifférent tant les thèses défendues, les analyses proposées, les informations, chiffres et faits alignés, interpellent.

Certes,  les spécialistes  -que Mélenchon connaît et a largement utilisés-   ne découvriront rien de neuf dans cet écrit. Mais le livre ne leur est pas réservé.  L’auteur a depuis longtemps pour priorité « l’éducation populaire » et son objectif privilégié reste d’être lu (et compris) par le plus grand nombre.

Dans son collimateur, ce qu’il appelle les « germanolâtres »,  prompts à ériger l’Allemagne en modèle et en exemple à suivre par la France et ses voisins.

Un mythe que Mélenchon s’emploie à démonter.

La première victime de ce capitalisme allemand et de la politique de ses dirigeants, qui émerveillent tant la droite et la social démocratie françaises (mais aussi celles des autres Etats membres de l’Union européenne),  est… le peuple allemand lui-même !

16 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté, soit près de 13 millions de personnes.  Les petits boulots avec de petits salaires se sont multipliés : il y a 20 % de travailleurs pauvres et 7 millions de salariés gagnent moins de 450 € par mois ! Cette énorme précarité vient s’ajouter au chiffre officiel de 3 millions de chômeurs, fréquemment présenté par le gouvernement de Merkel comme un « bon » résultat de sa politique !

Mais l’Allemagne est également le plus gros pays pollueur d’Europe, loin de la légende selon laquelle elle serait un exemple à suivre sur le plan écologique. Certes, ce pays se désengage du nucléaire. Mais il est devenu un paradis du charbon et de la lignite.

Grande usine à fabriquer des voitures, l’Allemagne est le premier émetteur de gaz à effet de serre de la zone euro.

Son modèle productiviste irresponsable a envahi l’agro-alimentaire et l’obésité de ses habitants est en forte augmentation.

L’Allemagne se distingue aussi par une natalité faible et le vieillissement de sa population, ce qui ne va pas sans conséquences. Les retraités, toujours plus nombreux, constituent un précieux réservoir électoral pour la droite. Le système de retraite est un système par capitalisation (et non par répartition). Pour s’assurer une retraite dorée, les pensionnés allemands misent sur de gros dividendes et comptent sur un euro fort.  La finance a donc les mains libres, d’autant que ses intérêts sont défendus aussi bien par la CDU que par le SPD. Au détriment des salaires et des investissements, faut-il le préciser !

L’ « ordo-libéralisme » règne en Allemagne, un ordre libéral qui ne peut être remis en question. La sacralisation des « règles » de l’économie ne peut être contestée et la politique est considérée comme irrationnelle et menaçante pour la bonne marche des affaires.

Par ailleurs, les dirigeants allemands se distinguent par leur arrogance vis-à-vis des pays du Sud, et notamment de la Grèce. Une hostilité renforcée par la victoire récente de Syriza.

Ils donnent des leçons en matière de remboursement des dettes, mais ils oublient que l’Allemagne n’a pas souvent remboursé les siennes au XXième siècle !

De nombreuses autres problématiques sont encore abordées dans ce pamphlet : les questions militaires, la politique étrangère, la religion (« la confusion du religieux et de la politique est omniprésente en Allemagne. Le délit de blasphème reste inscrit dans la loi »), la monnaie unique, etc.

On le constate, le grain à moudre ne manque pas dans cet ouvrage.

Une dernière petite remarque concernant le titre du pamphlet. En mai 2014, Angela merkel-hollande.jpgMerkel a offert à François Hollande un tonnelet de « harengs Bismarck », du nom d’un chancelier qui fit la guerre à la France. Un cadeau épicé symbole d’une certaine arrogance, selon notre auteur.

Notons que le hareng est un poisson qui contient beaucoup d’arêtes qui peuvent vous rester au travers de la gorge.

Le livre de Jean-Luc Mélenchon n’en manque pas non plus…

 

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Jean-Luc Mélenchon, Le hareng de Bismarck (Le poison allemand), Plon, Paris, 2015, 10 €

 

 

 

 

 

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09 mai 2015

Livre d'amour, amour des livres

Daniel Pennac et Florence Cestac_0.jpgDaniel Pennac narre, Florence Cestac donne vie et chair à son récit.

L’écrivain nous parle tendrement d’amour et de littérature, l’auteure dessine la passion amoureuse et la passion des livres.

Un condensé d’humanité dans toute sa richesse humaine !

Donc, Pennac nous raconte une puissante amitié qui remonte à son enfance, lorsqu’il vivait avec son frère chez sa grand-mère, dans le sud de la France.

C’est dans l’arrière-pays niçois, à proximité de Saint-Paul–de-Vence, qu’il fait la connaissance d’un couple original au grand cœur, Jean et Germaine Bozignac.

Lui, aristocrate répudié par les siens et elle, fille du peuple, issue d’une famille nombreuse.

Jean déshérité parce qu’épris de Germaine, alors domestique de sa marquise de mère qui voulait le marier à la fille du roi d’Alsace.

Jean chassé du château familial avec pour seul héritage  -mais quel héritage !-  d’innombrables livres  -mais quels livres !-  de grands classiques dans des éditions anciennes, parfois originales.

Germaine et Jean ne travailleront jamais car « en amour le travail est une séparation », et le temps qui s’écoule est principalement dédicacé à l’entretien de leur flamme amoureuse et à la lecture dévorante des ouvrages qui constituent leur énorme bibliothèque, occupant toutes les pièces de leur petite maison, jusque dans la cuisine !

Pour autant,  ils ne vivent pas de bons sentiments ou d’eau fraiche.

De petits boulots d’abord, car Jean est ventriloque et anime des soirées d’anniversaire. Du jeu, ensuite : habile, Jean gagne souvent ; le hasard des cartes y étant pour peu et la tricherie pour beaucoup. Enfin, si nécessaire, ils vendent l’un ou l’autre livre à (très) bon prix, qui à un collectionneur, qui à un bibliophile, qui à un simple passionné de belles-lettres.

 

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L’histoire peu commune de ce couple hors-norme, sans enfants pour éviter « les intermédiaires en amour »,  mais qui « ont » cependant Daniel, est bougrement émouvante.

Un lien fort unit les trois protagonistes, dans un climat cocasse, où la petite bourgeoisie locale s’irrite du comportement de ces drôles de zèbres qui vivent en dehors des clous.

Une relation qui durera jusqu’à la mort des « vieux » protagonistes, et au-delà.

Chaque année Pennac retourne fleurir leur tombe, et saluer Rachel, leur grande amie  juive, qu’ils ont cachée durant l’occupation, la sauvant ainsi d’un tragique destin.

L’œuvre  -et c’est aussi sa particularité-  est parcourue de jolies citations littéraires, de Proust à Céline, en passant par Montaigne, Cervantès ou Martin du Gard.

Et puis, il y a le dessin de « la » Cestac, au style si particulier et (presque) inimitable, une référence incontournable du « neuvième art ».

Dernier petit détail : la dédicace initiale « aux douze de Charlie, nos seuls apôtres ».

En un mot comme en cent, une magnifique bande dessinée, un vrai roman, très touchant, qu’il n’est pas indispensable de recommander ici.

Vous aurez en effet compris à la lecture de ce rapide compte rendu qu’il serait hautement regrettable de l'ignorer !

 

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Florence Cestac et Daniel Pennac, Un amour exemplaire, Dargaud, 2015, 14,99 €

 

 

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17 avril 2015

Amour et révolution

Leon-Trotsky-with-Frida-K-001.jpg« Un amour de Frida Kahlo », un titre auquel l’éditeur a finalement préféré un plus vendeur ( ?)  « Les amants de Coyoacan », est le dernier roman en date de Gérard de Cortanze.

On l’aura deviné : nous nous retrouvons dans le Mexique des années trente, celui de la grande artiste-peintre Frida Kalho, une forte et belle personnalité, aux relations amoureuses tumultueuses, à commencer par son propre mariage avec le réputé peintre muraliste Diego Rivera.

Toutefois, le véritable fil conducteur du livre est la liaison dévorante de Frida avec un hôte qu’ils accueillirent en 1937 dans leur célèbre « Maison bleue » (Casa azul),  à Mexico. Un réfugié politique privé de visa planétaire : Léon Trotsky.

Cette liaison fut à l’origine d’une sévère crise au sein du couple des vieux révolutionnaires russes, Trotsky devant même se séparer pendant une courte période de sa compagne,  Natalia Ivanovna Sedova (1).

Une liaison certes connue. Mais nous disposons aujourd’hui encore d’informations limitées concernant cet aspect de l’histoire dans sa version « people » , tant les témoins directs et les biographes furent assez peu diserts à ce sujet (2).

Que cela ne tienne : le narrateur a ainsi les coudées franches pour laisser libre cours à sa fantaisie et consacrer plus de 300 pages à une passion amoureuse haute en couleur.

Le ton est vite donné. Dès le débarquement des Trotsky à Tampico, leur première rencontre avec Magdalena Carmen Frida Kahlo et leur installation dans sa demeure : « C’est donc ici que tout commence, dit Natalia. Léon ne répondit pas. Il pensait au parfum de Frida. Il avait déjà croisé des femmes qui le portaient mais sur elle il sentait différemment : Shocking, de Schiaparelli. Tout homme sensible à la beauté féminine connaissait l’histoire du célèbre flacon sculpté par Leonor Fini, qui s’était inspiré du buste de Mae West… ».  La sculpturale actrice nord-américaine, rien de moins !

D’autres drôleries parsèment les pages du roman : ainsi, Trotsky se faufilant pour rejoindre incognito Frida, vêtu d’une chemise à fleur et d’un original couvre-chef. Comme un hippy des temps à venir, la barbe en moins car rasée pour la circonstance afin de ne pas être repéré par d’éventuels agents de la Guépéou !

Naturellement, tout n’est pas aussi amusant. L’auteur a étudié son sujet, et la création romanesque n’occulte pas la réalité historique.

Le constant va-et-vient entre la fiction et les événements historiques peut d’ailleurs être déconcertant pour qui connait peu cette époque troublée du siècle dernier.

Néanmoins,  c’est la vitalité de Frida la « passionnée » qui anime de Cortanze. Non seulement elle s’entiche de Léon, mais elle connaitra de multiples et chaudes « aventures », du secrétaire le plus proche de Trotsky au poète Benjamin Péret, sans oublier une trouble « amitié amoureuse » avec… un certain Frank Jacson (alias Jacques Mornard), le futur assassin du révolutionnaire exilé !

Finalement, il nous décrit une Frida dialoguant avec le fantôme de Trotsky,  jusqu’à sa mort, en juillet 1954.

Peu importe ici la crédibilité   -toute relative (doux euphémisme)-   de ce que veut nous restituer l’écrivain. Il suffit de se laisser emporter par l’imaginaire débridé de l’auteur, tout en sirotant un bon verre… de ce que vous voulez !

Ce n’est évidemment pas le seul roman qui accorde une place importante à l’artiste mexicaine et/ou au théoricien de la révolution permanente (3), ni surtout le plus talentueux (4).

Reste un ouvrage agréable à lire, qui divertira les admirateurs de Frida et/ou de Léon, peut-être enclins à terminer cette période de vacances scolaires par un chouia de romantisme « rouge »…

 

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Notes

 

(1)     Léon et Natalia Trotsky, Correspondance 1933-1938, Gallimard, Paris, 1980

(2)    Isaac Deutscher élude largement cet épisode : « On ignore si l’exceptionnelle beauté délicate de Frida et son âge suscitèrent en Trotsky plus que de la galanterie normale ou si Natalia qui avait maintenant cinquante-cinq ans, tomba victime de la jalousie qu’on éprouve souvent dans l’âge mur. Qu’il nous suffise de dire qu’une crise s’ensuivit et que Trotsky et Natalia furent tous deux malheureux et misérables » (Trotsky, Le prophète hors-la-loi, UGE 10/18, Paris, 1980, page 514). Jean Van Heijenoort, témoin direct, lèvera plus tard un coin du voile pudique : « Ceci se passait quelques semaines après la fin des audiences de la Commission Dewey. Fin juin, la situation devint telle, que ceux qui se trouvaient tout près de Trotsky commençaient à s’inquiéter. Natalia souffrait. Diégo, lui, ne se doutait de rien. C’était un homme d’une jalousie maladive et le moindre soupçon de sa part aurait provoqué une explosion. On imagine le scandale et les graves répercussions politiques » (Sept ans auprès de Léon Trotsky, Les Lettres Nouvelles/Maurice Nadeau, Paris, 1978, page 165). Pour sa part, dans son excellente biographie, Pierre Broué indique que « ce flirt devient au mois de juin une liaison qui provoque bien des tempêtes :  même si personne n’est au courant de leurs rencontres secrètes dans l’appartement de Christina, la sœur de Frida, rue Aguayo, on le soupçonne dans leur entourage » (Trotsky, Fayard, Paris, 1988, page 844). Plus explicite, Alain Dugrand : « La vie est surprenante, le hasard provoquant, mais la passion, feu de paille ou jeu de curiosité, embarqua ces deux-là dans un fol amour clandestin (…). Comme dans toutes les comédies, l’amour se joue côté cour. Natalia souffre, les compagnons de lutte et proches maugréent, ils craignent le scandale. C’est que dans le confinement de l’exil, il n’est pas simple de s’abandonner aux frémissements des corps. Et puis, comme le résume Vlady, ‘le puritanisme dans le mouvement marxiste-révolutionnaire était et demeure’ » (Trotsky Mexico 1937-1940, Payot, Paris, 1988, pages 40-41).

(3)    Notamment des romans policiers, ce qui n’est pas insolite au vu du destin tragique de Trotsky. Par exemple : Richard Hoyt, Trotski se fait la paire, Gallimard, Série Noire, Paris, 1983 ; Paco Ignacio Taibo II, A quatre mains, Rivages, Paris, 1992 ; Jean-François Vilar, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, Seuil, Paris, 1993 ; Gregorio Leôn, L’ultime secret de Frida K., Les Escales, Paris, 2012.

(4)    Les deux œuvres incontournables sont : Barbara Kingsolver, Un autre monde, Payot/Rivages, Paris, 2010 et Léonardo Padura, L’homme qui aimait les chiens, Métailé, Paris 2011. Deux des quatre ou cinq plus grands romans que j’ai pus lire au cours de la dernière décennie !

 

 

Gérard de Cortanze, Les amants de Coyoacan, Albin Michel, Paris, 2015, 20,90 €

 

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03 avril 2015

Marx, enfants admis !

Visite d’un jeune libertin à Blaise Pascal”, « Diogène, l’homme chien », « La folle journée du professeur Kant », « La confession de Saint Augustin » : voilà quelques titres publiés par la maison d’édition « Les petits Platons ».

Inutile d’être un universitaire de haut vol pour « capter » la nature de cette série : nous sommes pile poil dans le domaine de la philosophie et ces ouvrages s’adressent aux plus jeunes, « petits » ne renvoyant pas ici à un dilemme lié à la taille mais bien à un critère d’âge. Clin-d-oeil-de-Jiheu-!.jpg

De fait, le public cible est un public âgé de 9 à 14 ans ;  il n’est toutefois  pas interdit de lire ces « petits » livres jusqu’à 99 ans ! C’est même conseillé.

« Le fantôme de Karl Marx »,  écrit par Ronan de Calan et abondamment illustré par Donatien Mary, est un conte inédit pour enfants qui pourrait débuter par le traditionnel « il était une fois »,  mais qui est introduit pour la circonstance par un « Guten Tag ! » que l’on imagine sonore.

« Bonjour ! N’aie pas peur,  ce n’est qu’un drap ! Mon nom est Karl Marx. Je ne suis plus tout jeune,  je fêterai bientôt mes deux cents ans. Mais ne crois pas que je suis déjà mort pour errer ainsi comme un fantôme. Ne crois pas ceux qui le disent, le répètent et aiment tant à le répéter ».

Après cette entrée en matière sans fard, l’auteur enchaîne rapidement par une histoire mélancolique de paysans de Silésie « expropriés, exilés, ruinés et exploités », métamorphosés par la force du marché capitaliste en  drapiers de Silésie, et sauvagement réprimés à la moindre tentative de rébellion ! Une illustration sanglante de la dure conflictualité entre « Monsieur Das Kapital » et les « ouvriers affamés et révoltés ».

Le récit peut alors dérouler son fil. Quelques pages suffisent pour aborder quelques concepts importants de l’œuvre marxienne : la « marchandise »,  la « valeur d’usage », la « valeur d’échange »,  le « prolétariat », la « force de travail », « l’exploitation »,  les « rapports de production »,  la « lutte des classes », …

La lecture est agréable,  par la force des choses rapide : une soixantaine de pages parsemées de très nombreux dessins joliment évocateurs.

Il est évidemment difficile, dans ce type d’exercice ludique, d’éviter les « simplismes ». Mais l’essentiel est ailleurs : le but est de favoriser une première approche d’une œuvre majeure pour des jeunes,  d’éveiller leur intérêt , de mobiliser leur attention, et ainsi peut-être les stimuler à pousser leur découverte un peu plus loin un peu plus tard ! 

Un livre à offrir à vos jeunes enfants ou… petits enfants. Pour qu’ils le lisent ou pour que vous le leur lisiez.

Une petite drôlerie pour terminer : « les droits de reproduction et de traduction sont réservés pour tous les pays, y compris l’URSS ». L’URSS ? Oui, car il s’agit d’une référence explicite à la « loi 49956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ». Cela ne nous rajeunit pas ! Raison de plus pour dévorer cet opuscule, en guise de cure de jouvence…

 

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Ronan de Calan et Donatien Mary, Le fantôme de Karl Marx, Les petits Platons, Paris, 2011, 14 €

 

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19:23 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

24 mars 2015

1905, première vague révolutionnaire

Il y a 110 ans, la Russie de l’autocrate absolu Nicolas II était secouée par un puissant tourbillon révolutionnaire, douze ans avant Octobre 1917.

Une date est restée dans l’histoire, celle du 9 janvier 1905 (selon le calendrier « julien » qui était en vigueur au pays des Romanov, le 22 janvier selon notre calendrier « grégorien »).

Ce jour, un dimanche, une immense foule tenta de rejoindre en procession le Palais d’Hiver pour remettre au Tsar une pétition revendicative (liant aspects démocratiques, politiques et économiques), sous la conduite d’un pope orthodoxe, Georges Gapone.  Mais les dizaines de milliers de « manifestants »  seront arrêtés par la troupe qui ouvrira le feu et chargera la foule pour la sabrer, faisant des centaines de victimes, hommes, femmes et enfants.

C’est autour de ce drame et de ce personnage controversé que Jean-Jacques Marie nous livre un récit passionnant des événements qui ébranlèrent une première fois la terre russe, au début du siècle dernier.

Le « Dimanche Rouge » sera considéré par beaucoup  -de Jaurès à l’empereur d’Allemagne Guillaume II, de Lénine à Soljenitsyne-  comme un tournant majeur dans l’histoire de la Russie et, par conséquent, dans l’histoire de l’Europe.

Une date charnière, au même titre que le 14 juillet français, symboliquement inaugurale de la geste révolutionnaire.

Et comme le précise l’auteur,  « une onde de choc qui balaie les convictions, les traditions, les habitudes. Des milliers d’hommes sont prêts désormais à écouter la propagande des révolutionnaires, qu’ils tenaient jusqu’alors à l’écart ».

Jean-Jacques Marie retrace donc l’itinéraire de ce prêtre hors norme (qui intéressait Lénine), et nous plonge dans l’histoire tumultueuse de cette période de la Révolution russe, moins connue que celle de la Révolution bolchévique de 1917.

Il revient sur cette époque d’industrialisation de la Russie, de développement de la classe et du mouvement ouvriers. De la politique de conquêtes territoriales vers l’Orient, des tensions et puis de la guerre avec le Japon. De l’agitation sociale et des soulèvements dans les campagnes. De la grève générale, des comités de grève et de la naissance des « soviets ». De la réaction du régime, des massacres, des arrestations massives, des procès et des déportations en Sibérie. De l’antisémitisme et des pogromes. De la politique terroriste du Parti Socialiste Révolutionnaire et de l’émergence de la social démocratie, éclatée entre Bolchéviks et Menchéviks.

Et puis Gapone, fils d’un cosaque et d’une paysanne, séminariste (ce que fut aussi un certain Staline, mais ceci est une autre histoire), influencé par Toltstoï, homme d’action plutôt que théoricien, confronté rapidement avec les réalités de la misère populaire, fondateur de « sociétés ouvrières » avec l’appui de l’Okhrana (la police politique du tsarisme), désireuse de créer et de contrôler un « mouvement ouvrier monarchiste » pour éloigner les travailleurs des intellectuels et des partis en lutte contre l’autocratie !

Gapone, qui deviendra un électron libre, incontrôlable, à la popularité grandissante, et qui se retrouvera à la tête des masses en ce funeste dimanche du mois de janvier 1905.

Gapone, qui échappera à la mort et devra se cacher avant de fuir à l’étranger.

Gapone, qui rencontrera alors dans l'émigration les représentants des différentes tendances du mouvement révolutionnaire, notamment Plekhanov et Lénine.

Gapone, qui oscillera un moment entre la social-démocratie et les socialistes révolutionnaires pour finalement rejoindre ces derniers, avant de les quitter 5 semaines plus tard !

Gapone, qui évoluera ensuite vers la droite quand le balancier de l’histoire s’orientera à gauche.

Gapone qui tournera le dos à la révolution au moment ou celle-ci prend forme.

Gapone, qui se perdra dans des intrigues, sera manipulé par le pouvoir après avoir été amnistié, considéré comme un traître et assassiné par des proches, en mars 1906, lorsque la vague révolutionnaire aura déjà reflué, victime des coups de la répression.

On le voit, un livre foisonnant.

Un livre qui constitue un éclairage utile concernant la trajectoire d’une personnalité historique qui, bien que finalement éphémère, aura joué un rôle loin d’être anodin.

Un livre qui présente un vaste panorama d'un épisode annonciateur de la grande lueur de 1917, fondatrice du « court  XXème  siècle ».

Un livre passionnant pour tous les amateurs de l’histoire du mouvement ouvrier et des révolutions, pour tout amateur d’histoire, tout simplement…

 

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Jean-Jacques Marie, Le Dimanche Rouge,  Larousse, Paris, 2008, 18 €

 

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19 mars 2015

Affamer les affameurs !

Cet opuscule reprend deux nouvelles de Jack London publiées en 1909, la première étant la plus connue.

Dans celle-ci, l’écrivain socialiste décrit une immense grève générale qui frappe l’ensemble des Etats-Unis, quelques années après le tremblement de terre de San Francisco ; un séisme succédant ainsi à un autre !

La bourgeoisie est désorientée. Notamment Corf qui, lorsqu’il était étudiant, avait publié un article intitulé  « le rêve de Debs » (titre éponyme de ce récit de London), où il considérait la grève générale imaginée par le syndicaliste révolutionnaire comme une pure chimère.

Au début, la grève est pacifique. Les ouvriers endimanchés se promènent tranquillement. Bien préparés depuis des mois par la direction de leur syndicat, ils ne manquent pas du nécessaire et peuvent affronter cette épreuve en position de force !

Ensuite,  peu à peu,  s’installent pénurie de vivres et famine,  qui vont précipiter les plus miséreux et les classes privilégiées dans la violence. La lutte vitale pour la nourriture sème alors la confusion et la mort. Même les militaires chargés de maintenir l’ordre succombent à la frénésie de la chasse aux victuailles. Tout y passe, à commencer par le bétail dans les campagnes.

Après plusieurs mois de chaos, la classe dominante devra céder et le syndicalisme victorieux  imposera aux bourgeois sa  propre « tyrannie ».

London mythifie l’arme décisive par excellence de la classe ouvrière. Ici,  pas besoin de piquets, la grève est vraiment totale : pas un travailleur ne travaille ; même les chauffeurs et domestiques des nantis ont arrêté toute activité.

Il nous décrit une grève « idéale » qui, faut-il le préciser, n’a jamais été concrétisée dans l’histoire, surtout à l’échelle d’un pays aussi vaste. Le mouvement est d’ailleurs facilité par la faiblesse de la bourgeoisie et de ses forces répressives, incapables de s’y opposer (elles auraient pu utiliser la brutalité pour s’emparer des provisions stockées dans les foyers ouvriers et contrôlées par le syndicat, mais elles ne tentent rien !).

Néanmoins, Jack London ne soulève pas explicitement la problématique d’une grève générale révolutionnaire avec prise du pouvoir politique à la clé, et édification du socialisme.

La seconde nouvelle, intitulée « Au Sud de la Fente », est politiquement moins ambitieuse.

La Fente est une voie du tram qui sépare le nord (« Les beaux quartiers bourgeois »)  du sud  de San Francisco (« Les quartiers ouvriers »).

Elle met en scène Frédérick Drummond et Bib Bill Totts, en fait un même homme avec deux identités différentes.

Quand il vit dans le nord de la ville, il est un sociologue conservateur, froid et distant, tandis que dans le sud, il se métamorphose pour devenir un ouvrier, fier de sa classe, syndicaliste passionné, qui n’hésite pas à faire le coup de poing contre les « jaunes »  dans les mouvements de grèves.

Dans un premier temps, l’intellectuel Drummond voulait seulement s’immerger dans le monde du travail pour l’étudier,  écrire des livres et donner des cours inspirés de son dur apprentissage des réalités de la classe laborieuse.

Mais il devient progressivement un prolétaire, ayant des difficultés à retourner à sa confortable vie bourgeoise, d’autant que Totts a fait la connaissance d’une militante à la forte personnalité, qui tombe amoureuse de lui !

Finalement, notre héros qui semblait d’abord opter pour une vie sans souci finira par préférer la vie prolétarienne, et il deviendra un dirigeant syndical de premier plan !

Un véritable Dr Jekyll et Mr Hyde de la lutte des classes, à moins que ce personnage fictif n’évoque de manière « subliminale » Jack London lui-même ?

Un petit livre plaisant pour nourrir imagination et... réflexion !

 

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Jack London, Grève Générale, Libertalia, 2008, 8 €

(illustrations de Romualo Gleyse)

 

 

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12 mars 2015

Le poète a toujours raison

colette ferrat.jpgIl y aura demain cinq ans disparaissait Jean Ferrat.

L’occasion de revenir ici sur un bel album qui lui avait été consacré en 2011, tendrement introduit par sa seconde épouse, Colette, qui écrivait alors fort justement : « Jean Ferrat n’est pas parti, il est en nous ».

Un livre à l’iconographie très riche, qui évoque la vie de l’artiste, de ses années d’enfance aux derniers moments, illustrée par de multiples témoignages, lettres, manuscrits, extraits de chansons, …

Jean Tenenbaum était encore très jeune lorsque son père succomba à Auschwitz, en 1942. Ce drame familial le marqua profondément (et les recherches qu’il entreprit à ce sujet le conduiront plus tard (1963) à écrire le poignant « Nuit et brouillard »).

Après la guerre et sa tragédie personnelle, il abandonna rapidement ses études de chimiste pour se consacrer au Music-Hall. C’est là qu’il fit son apprentissage de chanteur devant le plus exigeant des jurys : le public.

Au fil des pages, nous pouvons suivre son évolution, les premières années mouvementées, sa progression et le rôle joué dans celle-ci par des vedettes de l’époque comme Zizi Jeanmaire, sa complicité naissante avec Gérard Meys (son « producteur ») et Alain Goraguer (l’ « orchestrateur » de talent qui fignolait les arrangements musicaux), sa rencontre avec Christine Sèvres (chanteuse elle aussi, qui se tournera ensuite vers la peinture), son amitié avec de grandes personnalités de la chanson française comme Georges Brassens et Léo Ferré, le seul de ses pairs à qui il demandera un autographe !

Il y est évidemment aussi question de ses engagements, de son voyage à Cuba, de son admiration pour Federico Garcia Lorca (« j’ai découvert la poésie avec Aragon, mais pas seulement. Il y avait aussi Lorca, c’était d’une beauté absolument fracassante ») et, précisément, de sa relation avec celui qui fut l’un des plus grands écrivains français du XXème siècle (« la langue d’Aragon est particulièrement adaptée à la musique parce qu’elle est d’une concision extrême. Elle a une diversité exceptionnelle de rimes et d’images qui enrichit le sens. Un texte de chanson doit être ramassé. Il faut raconter une histoire en trois minutes. Dans la poésie d’Aragon, il y a l’alliance du chant profond, général, et d’une écriture forte et dense qui en fait la beauté et la grandeur »). Par ailleurs, Jean Ferrat aimait lire et lisait beaucoup : de Beaudelaire à Eluard en passant par Vian, Kundera ou Garcia Marquez. Il portait aussi un intérêt soutenu pour les biographies…

Et puis, un rappel utile, ses rapports conflictuels avec les médias, qui le censurèrent plus d’une fois (notamment  « Potemkine » ou « Un air de liberté », qui s’en prenait ouvertement au directeur du Figaro, Jean d’Ormesson). Ferrat fut ainsi interdit de télévision durant plusieurs années, ou ne put interpréter librement ses créations les plus contestées.

Le livre s’étend naturellement sur son coup de foudre pour l’Ardèche (avec de magnifiques photos), où il s’installa définitivement, et qui lui inspira son plus grand succès (« La Montagne »). Une région où il vivait heureux et apaisé, loin du tumulte du show-business  et loin de Paris, sa ville natale, à laquelle il restait toutefois attaché. C’est dans son village d’adoption qu’il jouait de mémorables parties de cartes ou de pétanque ; c’est là qu’il pouvait se détendre près d’un torrent situé en contrebas de sa propriété. Parmi quelques anecdotes savoureuses, ses vaines tentatives d’élevage de truites, systématiquement dévorées par les couleuvres du coin…

Sont encore évoquées ses amies et interprètes privilégiées  -Isabelle Aubret et Francesca Solleville-  ou ses liens avec Lise London, Edmonde Charles-Roux et Lucie Aubrac.

Isabelle aubret, jean ferrat et juliette gréco.jpg

Ses rapports avec le PCF ne sont pas éludés, ni ses critiques : condamnation de l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968 (« Camarade ») ou du stalinisme  (« Le Bilan »).

Sans oublier son sens de l’humour et son copinage avec les (regrettés) trublions de Charlie Hebdo (Reiser, Wolinski, Cabu…) qui lui consacrèrent quelques dessins caustiques (certains reproduits dans le livre) qui le faisaient beaucoup rire.

L’ouvrage se termine par de nombreux coups de chapeau de Pierre Perret à Georges Moustaki (décédé depuis lors), en passant par Juliette Greco, Bernard Pivot ou José Bové.

Un livre superbe pour se souvenir, et une invitation à redécouvrir cette attachante personnalité et une discographie qui lui survivra longtemps encore.

 

 

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Raoul Bellaïche, Colette Ferrat et Alain Marouani, Jean Ferrat, Editions Michel Lafon, Paris, 2011, 30 €

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