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16 septembre 2025

POLARS EN BARRE [51]

 

"Tous ces individus avaient des ambitions personnelles qui faisaient d’eux des personnages exemplaires, des défauts personnels qui faisaient d’eux des criminels, ou des instincts fâcheux qui les amenaient devant la cour d’assises. Le reporter se contentait de les coucher tels quels dans les colonnes de son journal. Le reporter est un être sans passion, qui évite de prendre parti ou de se laisser entraîner par des sentiments violents ― sauf lorsqu’il s’agit de son journal. Il se ferait tuer pour son journal. Avec son journal derrière lui, il se sent la force, la bravoure et l’audace d’un paladin. Sans son journal, il est aussi vulnérable qu’une méduse échouée sur la plage.

— Je suis M. Ross de la Planète.

Ces paroles magiques vous permettaient d’entrer sans crainte dans des bouges qui suaient le crime, de franchir les barrages d’incendie, de pénétrer dans des palais, des tribunaux ou des commissariats de police, de bavarder aussi bien avec le président qu’avec le marchand de pommes du coin, de fréquenter des loges d’artistes ou des taudis…

— Je suis M. Ross…

Cela ne vous menait nulle part. Personne n’avait envie de bavarder avec un quelconque M. Ross. Mais M. Ross de la Planète, c’est tout différent. Bavarder avec lui, c’était s’adresser au monde entier. Les gens s’inclinent devant l’opinion publique, qu’ils soient princes ou clochards, honnêtes ou escrocs. Pas étonnant, songeait Barry, si les vrais reporters regardent de haut toute activité humaine autre que le métier de journaliste."

 

Donald Henderson Clarke

 

 

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15 septembre 2025

POLARS EN BARRE [50]

 

"Comment un univers qui suscite tant l’imagination aurait-il pu être occulté du cinéma ? Si l’écriture crée les contours de la matière astucieuse du polar, le cinéma lui rend hommage, invitant les mots à devenir images, retrouvant la fidélité des personnages révélés par des acteurs hors du commun. Le polar a inspiré le cinéma et le cinéma le lui rend bien !"

[…]

"S’il est né grâce aux histoires de privés rebelles et souvent désabusés, au fil des ans, le roman noir s’est diversifié et chaque nouvelle génération y a imprimé ses préoccupations et ses propres obsessions.

La forme, la structure narrative s’est diversifiée : enquête, mystère, dénonciation sociale, étude de mœurs, voyage initiatique, mal de vivre, le roman noir peut être ceci ou cela. Parfois même, il ne contient ni crime, ni enquête, mais l’essentiel demeure : il continue de parler du monde, de l’individu paumé et des puissances occultes qui le manipulent. Car le noir, c’est une manière particulière de regarder le monde et de le raconter en montrant ce qui se cache sous le tapis, ce qui se dissimule derrière la façade. On y croise rarement des gens heureux car, c’est bien connu, ils n’ont pas d’histoire, et le roman noir raconte toujours une histoire… qui ainsi devient universelle."

 

François Guérif et Claude Mesplède

 

 

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14 septembre 2025

POLARS EN BARRE [49]

 

"Il y avait d’excellentes empreintes digitales sur l’appui de la fenêtre de la cuisine et sur le tiroir à argenterie du buffet de la salle à manger. Il y avait également de bonnes empreintes sur l’argenterie éparpillée par terre à proximité de la fenêtre fracturée. Plus important encore, si la plupart des empreintes trouvées sur le manche du couteau étaient floues, certaines d’entre elles étaient très nettes. Toutes les empreintes étaient semblables ; elles avaient été laissées par une seule et même personne. (…) Les empreintes trouvées sur l’appui de la fenêtre, le tiroir, l’argenterie et le couteau n’étaient pas celles de Gérard Fletcher. Ce qui ne signifiait absolument rien s’il avait les mains gantées au moment où il avait achevé sa femme."

 

Ed McBain

 

 

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13 septembre 2025

POLARS EN BARRE [48]

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♦♦♦

 

 

"Ce soir là, de nouveau, la nuit semblait vouloir s’enfoncer dans les ténèbres. Tout était silence, à part le hurlement sauvage des coyotes dans le lointain.

Ce soir-là, Weaver sirotait un verre de vin tout en essayant de lire. Pour la première fois, il trouvait la nuit et le silence un peu effrayants.

Les soirées précédentes, il avait été seul dans la maison ; ce soir pas tout à fait. Ce soir, Jenny Ames était là. Maintenant qu’il avait appris sur elle le peu qu’il en savait, elle était devenue pour lui un être vivant. La veille encore, elle n’était qu’un nom.

Ce soir, elle envahissait son esprit et la pièce tout entière. Elle lui paraissait d’autant plus vivante qu’il en savait moins sur elle. Une photo aurait suffi à rompre le charme, mais il n’en existait aucune ; rien qu’un vague signalement que son imagination pouvait exploiter à son gré. Une jolie fille aux cheveux noirs qui avait aimé ― ou cru aimer ― un monstre et qui était venue à Taos dans le but de l’épouser.

Issue du mystère, elle s’en était allée dans un mystère plus profond encore ― l’ultime mystère. Et elle avait séjourné dans cette pièce, s’était peut-être assise sur cette même chaise, durant les quelques heures entre son arrivée ici et son départ pour les éternelles ténèbres."

 

Fredric Brown

 

 

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12 septembre 2025

POLARS EN BARRE [47]

 

"La base de tout roman policier ne saurait se résumer à une histoire de local clos et de plan à rebours. Les règles instituées par Poe ne regardent que lui-même, tout comme, plus tard, celles de Van Dine, Knox et autres faiseurs de règlements intérieurs à bon marché. Le romancier écrit comme il sent. Et davantage encore, comme il peut. A l’allure à laquelle produisait Simenon, il serait étonnant qu’il ait pris le temps de peaufiner de savantes théories. (…) C’est la diversité même du roman policier qui en fait sa richesse et son originalité. Pourquoi vouloir le réduire à l’unidimensionnalité ? (…) Le roman policier social ou roman noir n’a pas porté de coup de grâce à un roman policier énigmatique (ce n’était pas son but), pas plus d’ailleurs qu’il ne l’a renouvelé. Il a aussi simplement que fermement réussi à élargir la palette d’une typique littéraire qui, sans lui, se serait repliée sur des règles quelque peu absconses et il a su apporter, tant à la littérature qu’au cinéma, un style de langue syncopée et d’images à vif en prise directe sur la réalité de son temps."

 

Robert Deleuse

 

 

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11 septembre 2025

POLARS EN BARRE [46]

 

"Mourir sur son lieu de travail n'est pas habituel  −c'est même assez rare. Il est de bon ton de se retirer pour mourir. Disparaître à la retraite ou dans le système de santé et soudain un jour être l'objet des conversations à la cafétéria de l'entreprise. «Au fait, t'as entendu que le vieux Karlsson est mort vendredi ? Oui, c'est le cœur. Le syndicat a décidé d'envoyer une couronne pour l'enterrement». Mourir sur son lieu de travail et devant les yeux de ses collègues est autrement plus dérangeant."

 

Stieg Larsson

 

 

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10 septembre 2025

POLARS EN BARRE [45]

 

 

"Manchette va remettre la contestation sociale au centre du polar. (…) Pour Manchette, l’une des causes de l’émergence du roman noir ― cause que l’on a d’ailleurs pas assez soulignée ―, c’est la fin des utopies, la fin des idéaux révolutionnaires au crépuscule des années vingt. Quarante ans plus tard, le néo-polar ― et c’est Manchette qui invente le terme ― utilise le polar avec un recul critique. Le néo-polar, c’est un peu comme le western spaghetti, c’est-à-dire qu’il y a un produit de base qui est authentique, et qu’en y superposant notre culture ça devient autre chose. Manchette révolutionne ― il n’y a pas d’autre mot ― le paysage du roman noir français. Moi je trouve qu’avec Nada, Manchette fait du Nizan-polar. C’est La Conspiration en polar. Il ramène la politique au premier plan. Et il va faire école.

[…]

Je pense que l’on reste encore sur l’héritage Manchette. (…) L’héritage Manchette, c’est une dénonciation de la corruption, un constat lucide sur le monde. C’est ― aussi ― un esprit militant. (…) Bref, Manchette, qu’il l’ait voulu ou pas, a été un virage absolument essentiel. Manchette est toujours là. Et la plupart des polars possèdent un arrière-plan politique précis. Maintenant c’est explicite, tu fais un roman noir, c’est un roman engagé."

 

François Guérif

 

 

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09 septembre 2025

POLARS EN BARRE [44]

 

Tardi pistolet.jpg"Il s’approcha de la fenêtre, ajusta ses lunettes et examina le papier de près. Il se tournait pour dire quelque chose quand on entendit un grand bruit. La vitre brisée tomba sur le plancher. Woodward resta un moment debout, la bouche ouverte, puis ses jambes plièrent lentement sous lui et il tomba, une main agrippée au bas du rideau. Sa tête ballotta et ses lunettes glissèrent sur le côté de la figure. Ses yeux étaient grands ouverts et fixes."

 

Paul Cain

 

 

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