02 décembre 2025
POLARS EN BARRE [128]
"Ce qui est vivant se consomme chaud, à l’état brut, et ne devient ″culturel″ qu’après, quand ça vieillit bien, au contraire de tous ces films qui naissent couverts de rides, objets culturels, eux, dès leur première projection. Un défi : le ″noir-polar″, jusqu’à ce jour le plus increvable des genres, est le seul ″work in progress″ de l’industrie cinématographique, une coulée unique, variée et ininterrompue, une sorte de contre-journal télévisé permanent.
[…]
Qu’est-ce qui va rester ou pas ? Je ne lis pas dans les marcs de café, moi, … je ne sais qu’une chose, c’est que le ″polar-noir″ est vivant et que je le rencontre tous les jours au ciné. Peu importe qu’on veuille me le fourguer à la sauce S.-F. Ou fantastique-épouvante, au goût du jour, quoi. Je ne dis jamais non, moi, je ne boude pas. D’ailleurs j’y crois pas du tout, à la ″pureté″ du polar, la ″pureté″ c’est pas son truc, ça l’a jamais été, il s’en est même toujours méfié comme de la peste. La preuve, c’est un sujet dont il aime bien parler : mensonges, trahisons, fin-qui-justifie-les-moyens, etc. Ça le connaît, la pureté."
Alain Corneau
"Qu’est-ce qu’un film noir ? Le mot ″noir″ implique un certain éclairage sur le monde, une vision subjective, une façon pessimiste d’appréhender les choses. Le ″noir″ implique le réalisme. Mais tous les films réalistes ne sont pas noirs. (…) La caractéristique essentielle du roman et du film ″noirs″ est l’ambiguïté. Ambiguïté des personnages, ambiguïté du jeu social. Dans les films des années trente, nous assistons à une pantomime où gangsters, politiciens et héros jouent un jeu bizarre, souvent contraire à leur rôle social. Ambiguïté toujours présente dans les années soixante-dix, où les flics violent la loi pour mieux la faire respecter, où des épreuves de force se terminent par un mariage, où un petit fait divers d’aspect comique se termine en drame. Autre caractéristique : la violence, cruelle et spectaculaire. Cette ″dynamique de la mort violente″ baigne le film noir et lui donne son caractère d’insécurité."
François Guérif

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
01 décembre 2025
POLARS EN BARRE [127]
"Phil contempla sa soucoupe vide en fronçant les sourcils, puis il se mit à ricaner :
— J’ai chez moi un revolver et une bouteille de whisky qui est à peu près possible, dit-il. Le revolver, tu peux l’avoir tout entier, quant au whisky, il n’a été coupé que deux fois et tu as droit à la moitié de la bouteille.
— J’ai droit à plus que ça, mais je veux bien me contenter de la moitié pour cette fois. Allons-y !"
Raoul Whitfield

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
30 novembre 2025
POLARS EN BARRE [126]
"Les cordes crissaient sur le bois du petit cercueil. Les deux employés municipaux se tenaient de chaque côté de la fosse et hissaient la charge en cadence. Après deux ou trois mouvements, le cercueil fut posé sur le sol, près de la plaque tombale de granit.
- Alors ? demanda l'un des employés. Il s'essuya le front du revers de la manche, rejetant sa casquette en arrière.
Roland Gabelou eut un instant de passage à vide."
Thierry Jonquet

00:07 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
29 novembre 2025
POLARS EN BARRE [125]
"Faty hocha la tête d’un air à la fois grave et enfantin, et Teissère, attendri, songea : "je t’aiderai, mon petit garçon. Parce que tu sais, tout est tellement crado. Des tueurs, des voyous, des pédés, des vicieux, du sperme, des putes, des macs, de la schnouf, du fric, des cons… Des coups de feu, de surin, d’acide, de rasoir, de pic à glace… Si tu savais ce que c’est qu’une vie de flic !"
Son cadet passait près d’eux. Teissère le happa et le prit aussi par les épaules.
Il était un peu gêné, mais ce geste, il le retenait depuis des années.
Il les serra très fort, ses deux fils. Ils étaient tous trois épaule contre épaule. Heureux.
Et c’était Noël. Un Noël blanc, même !
Des minutes comme celles-ci, ça valait bien cinquante-cinq ans de merde, non?"
Frédéric Fajardie

00:01 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
28 novembre 2025
POLARS EN BARRE [124]
"Avant que j’aie pu esquisser un geste, elle plongea la main dans son sac et en sortit un petit pistolet nickelé qu’elle dirigea sur moi.
Ma première impression ne m’avait pas trompé : cette femme était très dangereuse. Il faisait trop sombre pour que je puisse lire ses intentions dans son regard, mais son intonation laissait deviner une détermination farouche, quasi obsessionnelle, à la limite de l’hystérie.
– Je suis venue pour vous tuer, Baraudy. J’aurais pu le faire tout à l’heure, devant tout le monde, et c’était mon but. Ça m’aurait fait plaisir de vous vider mon chargeur dans le ventre et de vous voir vous tortiller sur ce parquet bien ciré, avec votre belle chemise et votre beau costume blanc souillés de sang et de vomissures, au milieu de vos invités en train de bouffer des petits fours et de boire du champagne…
Pas de doute, j’avais affaire à une cinglée."
Gérard Delteil

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
27 novembre 2025
POLARS EN BARRE [123]
"Et il la résume. En huit points qui tombent dans notre pénombre comme autant de chefs d'accusation.
1) Benjamin Malaussène, Contrôle Technique au Magasin, grande boutique piégée depuis sept mois par un tueur inconnu, se trouve présent sur le lieu de chaque explosion.
2) Quand ce n'est pas lui, c'est sa sœur Thérèse.
3) La dénommée Thérèse Malaussène, mineure de dix-sept ans et trois mois, semble avoir prévu le moment et le lieu de la quatrième explosion -détail qui peut intriguer tout fonctionnaire de police rétif à l'astro-logique.
4) Jérémy Malaussène, mineur, 11 ans et dix mois, a incendié son collège au moyen d'une bombe artisanale dont un des composants chimiques au moins à déjà été utilisé par le tueur du Magasin.
5) La topographie du magasin semble singulièrement intéresser la famille, si on en juge par le nombre de photographies trouvées dans le cartable de la cadette des sœurs, Clara Malaussène, 15 ans et huit mois, agrandissements photographiques découverts lors d'une perquisition opérée au domicile de la famille, mandat délivré le..., etc.
6) Le plus jeune des enfants Malaussène rêve depuis des mois "d'ogres Noël ", thématique sinistre qui n'est pas sans rapport avec les photographies (non-moins sinistres) découvertes sur les lieux de la dernière explosion.
7) La grossesse de la sœur Louna Malaussène, 26 ans, infirmière, est à l'origine d'une rencontre entre Benjamin Malaussène et le professeur Léonard, victime de la troisième explosion.
8) Le chien de la famille lui-même (âge et race indéterminés), ne semble pas étranger à l'affaire, victime qu’il fut d'une crise nerveuse sur le lieu d'un des meurtres. (L’analyse des photos découvertes dans les wouataires de l’exposition suédoise, révèle, au moins, sur l'une d'entre elles, la présence d'un chien atteint d'une affection similaire.)"
Daniel Pennac

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
26 novembre 2025
POLARS EN BARRE [122]
"Lomron sortit de la salle, alla dans les toilettes et versa son café court sans sucre dans le lavabo. Il se regarda dans la glace. On avait progressé. Le meurtre semblait lié à une affaire de piratage informatique. Mais tu ne sais toujours rien sur la femme aux boucles d’oreille. Il ouvrit sa main. La boucle avait imprégné sa paume. Une blessure en creux. Il pensa à la stigmatisation de saint Thomas. Il vit les chairs pincées sous les électrodes. Les mains, les pieds, le flanc. Les supplications. Lomron sentit revenir les tremblements. Il se passa la tête sous l’eau. Maintenant il avait froid. Il retourna à la salle informatique."
Daniel Picouly

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |
25 novembre 2025
POLARS EN BARRE [121]
"Un quart d’heure plus tard, la voiture de Meunier s’arrête devant chez Grignard. Il est déjà dans le jardinet. Chapeau gris. Manteau croisé. Il sort. Il vérifie sa boîte à lettres. Il en retire quelques prospectus qu’il consulte en ouvrant la portière. Il se laisse tomber dans la voiture. Petit Boulot a enfilé le veston de Jojo et son couvre-chef. Ça fait la blague pendant quinze secondes, le temps que la chignole démarre. Grignard s’apprête à tempêter. Il relève la tête, n’y comprend rien, regarde dehors les maisons qui défilent et se retourne affolé vers l’arrière :
– Mais qui êtes-vous ?
Couteau sur la gorge. Gargouillis du député. Les paroles ne servent plus à rien. Les mots vont se faire rares. La place est à la violence. On est embringués sur des rails. Action. Maintenant, action. C’est la politique qui avait introduit la parole."
Jean Vautrin

00:05 Publié dans Blog, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) |
Facebook | |

































