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14 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 118

"D'ailleurs, tout ceci n'est jamais qu'une tempête dans un verre d'eau.

— Je crains que non. En tout cas, ça ne se tassera pas tout seul. Si Hilder est élu Coordonnateur, comme cela semble acquis, les choses risquent de tourner très mal pour nous. Si, en plus de l'eau, ils se mettaient à nous rationner les vivres...

— Et alors, s'écria Rioz, que nous restera-t-il à faire ? À aller la chercher. Aller chercher l'eau !

— Je vous le répète, Mario, c'est impossible. Ne voyez-vous pas que cette solution abonde dans le sens de la Terre, dans le sens des Rampants ? Vous essayez de vous raccrocher au cordon ombilical qui relie Mars à la Terre. Ne pouvons-nous une bonne fois nous libérer de cette contrainte, trouver la véritable voie martienne ?

— Non, mon vieux, je ne vois pas. Dites toujours.

— D'accord, à condition que vous m'écoutiez jusqu'au bout. Quand nous parlons de système solaire, nous pensons Vénus, Terre, Lune, Mars, Démos, Phobos... sept corps célestes, pas un de plus. Nous, Martiens, sommes pourtant à la frontière des 99 % oubliés. Là-bas, loin du Soleil, dorment de formidables réserves d'eau.

Les autres le regardèrent bouche bée.

— Vous faites allusion aux couches de glace qui recouvrent Jupiter et Saturne? demanda Swenson d'une voix hésitante.

— Pas précisément, mais vous reconnaîtrez qu'une couche de glace de milliers de kilomètres d'épaisseur, ça en représente de l'eau !

— Vous oubliez qu'elle est enfouie sous des nappes d'ammoniaque ou – ou de je ne sais plus quoi, et qu'il nous est impossible de nous poser sur les planètes majeures."

 

 

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13 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 117

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12 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 116

"Il se rapprocha d'elle et la prit près de lui. Il embrassait ses pauvres yeux affolés et sentait son cœur battre à coups sourds et lents dans sa poitrine.

- On va te guérir, dit-il. Ce que je voulais dire, c'est qu'il ne pouvait rien arriver de pire que de te voir malade, quelle que soit la maladie.

- J'ai peur ... dit Chloé. Il m'opérera sûrement.

- Non, dit Colin. Tu seras guérie avant.

- Qu'est-ce qu'elle a ? répéta Nicolas. Je peux faire quelque chose ?

Lui aussi avait l'air très malheureux. Son aplomb ordinaire s'était fortement ramolli.

- Ma Chloé ... dit Colin. Calme-toi.

- C'est sûr, dit Nicolas. Elle sera guérie très vite.

- Ce nénuphar, dit Colin. Où a-t-elle pu attraper ça ?

- Elle a un nénuphar ? demanda Nicolas, incrédule.

- Dans le poumon droit, dit Colin. Le professeur croyait au début que c'était simplement quelque chose d'animal. Mais c'est ça. On l'a vu sur l'écran. Il est déjà assez grand, mais enfin, on doit pouvoir en venir à bout."

 

 

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11 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 115

 

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10 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 114

"Une société pour exister doit produire des richesses et des croyances qui manifestent le désir de vivre ensemble. L'idéologie assure cette fonction seconde car elle aide à la reproduction des rapports sociaux. Ni vraie, ni fausse, elle accompagne l'évolution de la société et se manifeste à travers nombre de réalisations matérielles, discursives et artistiques. Au pluriel, le terme renvoie à la somme de représentations d'un groupe social, étant bien entendu que l'idéologie dominante, celle qui renforce le consensus social, le sens commun, la doxa, la pensée unique, les opinions stéréotypées, est celle du groupe social hégémonique. C'est pourquoi, l'idéologie dominante peut trahir, masquer, cacher pour garder des impératifs de domination et d'exploitation et s'imposer à la conscience comme une évidence partagée.

Pratiquer sur un texte une lecture idéologique consiste à essayer d'en dégager l'idéologie sous-jacente (pas tout à fait prise de parti, ni vision du monde) apparente, revendiquée ou dissimulée, car ce qui est important de ce point de vue c'est parfois sur ce quoi l’œuvre fait silence ou ce qu'elle dit sans le dire (par exemple l'absence d'allusion à la Commune dans les romans de Daudet contemporains de l'événement). L'analyse idéologique affirme ainsi l'équivocité constitutive de tout texte et de tout vouloir dire, dans la mesure où sous l'innocence de la parole peut se découvrir un tout autre possible narratif."

 

 

 

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09 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 113

"Boyd se récria vivement. “Continuez, je vous prie. Vous voulez dire que c'est de l'holocauste atomique qu'est venu tout le mal ?”

Il s'était rendu compte que la planète mère avait subi des changements désastreux, mais cette notion ne lui était venue que peu à peu et ne s'appuyait que sur quelques lectures éparses, complétées par le peu qu'il avait vu en survolant le pays. Sur Mars, il n'avait jamais rencontré d'écologistes ; un équilibre stable y avait été atteint, qui se maintenait pratiquement tout seul.

“L'accident atomique ?” Epstein secoua la tête, tandis que l'amertume de son regard se communiquait à sa physionomie tout entière. “Non, docteur Jensen. Cet accident béni était sans doute la seule chose capable d'accorder à la Terre le pauvre répit dont elle jouit actuellement. Avant lui, il existait plus de six milliards d'hommes tous décidés à défendre le droit de l'affamé technologique à sa juste part de l'énergie et de matières premières... sur un monde qui pouvait peut-être, et ce n'est pas certain, répondre aux besoins d'un demi-milliard d'humains technologiques. Mais l'atome et ses retombées ont réglé la question. Une génération après l'accident, il ne restait plus que cent millions de survivants — avec une technologie très en dessous du minimum pour chacun. Ce n'était pas le salut assuré pour la Terre — les hommes se reproduisent bien trop vite — mais une chance de souffler et de repartir du bon pied.

— Et alors ?”

Epstein mira son vin à contre-jour, le dégusta lentement, remplit à nouveau leurs verres. Puis il haussa les épaules."

 

 

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08 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 112

 

"Tout cela, dit-il, est notre faute. Les hommes ont libéré les forces terribles que la nature tenait enfermées avec précaution. Ils ont cru s’en rendre maîtres. Ils ont nommé cela le Progrès. C’est un progrès accéléré vers la mort. Ils emploient pendant quelque temps ces forces pour construire, puis un beau jour, parce que les hommes sont des hommes, c’est-à-dire des êtres chez qui le mal domine le bien, parce que le progrès moral de ces hommes est loin d’avoir été aussi rapide que le progrès de leur science, ils tournent celle-ci vers la destruction."

 

 

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07 janvier 2023

"BOUQUINAGE" - 111

" “Quant à Morel... Tout a été dit là-dessus. Je crois que c’était un homme qui, dans la solitude, était allé encore plus loin que les autres – véritable exploit, soit dit en passant, car lorsqu’il s’agit de battre des records de solitude, chacun de nous se découvre une âme de champion. Il vient souvent me retrouver, pendant mes nuits d’insomnie, avec son air en rogne, les trois rides profondes de son front droit, têtu, sous les cheveux ébouriffés, et cette fameuse serviette à la main, bourrée de pétitions et de manifestes pour la défense de la nature, qui ne le quittait jamais. J’entends souvent sa voix me répéter, avec cet accent faubourien assez inattendu chez un homme qui avait, comme on dit, de l’éducation : “C’est bien simple, les chiens, ça suffit plus. Les gens se sentent drôlement seuls, ils ont besoin de compagnie, ils ont besoin de quelque chose de plus grand, de plus costaud, sur quoi s’appuyer, qui puisse vraiment tenir le coup. Les chiens ne suffisent plus, les hommes ont besoin des éléphants. Alors, je ne veux pas qu’on y touche.” Il me le déclare avec le plus grand sérieux et il frappe toujours un coup sec sur la crosse de sa carabine, comme pour donner plus de poids à ses paroles. On a dit de Morel qu’il était exaspéré par notre espèce et acculé à défendre contre elle une sensibilité excessive, les armes à la main. On a affirmé gravement qu’il était un anarchiste, décidé à aller plus loin que les autres, qu’il voulait rompre, non seulement avec la société, mais avec l’espèce humaine elle-même – “volonté de rupture” et “sortir de l’humain”, furent, je crois, les expressions les plus fréquemment employées par ces messieurs. Et comme s’il ne suffisait pas de ces sornettes, je viens de trouver dans une ou deux vieilles revues qui me sont tombées sous la main, à Fort-Archambault, une explication particulièrement magistrale. Il paraît que les éléphants que Morel défendait étaient entièrement symboliques et même poétiques, et que le pauvre homme rêvait d’une sorte de réserve dans l’Histoire, comparable à nos réserves africaines, où il serait interdit de chasser, et où toutes nos vieilles valeurs spirituelles, maladroites, un peu monstrueuses et incapables de se défendre, et tous nos vieux droits de l’homme, véritables survivants d’une époque géologique révolue, seraient conservés intacts pour la beauté du coup d’œil et pour l’édification dominicale de nos arrière-petits-enfants.” Saint-Denis se mit à rire silencieusement, en secouant la tête."

 

 

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