23 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 247
"L'expérience de 1848-49 a donc conduit Marx et Engels, dans cette année de “bilan” que fut 1850, à formuler plusieurs propositions importantes :
— tout d'abord, la nécessité de la dictature du prolétariat dans la phase de transition vers la société communiste ;
— ensuite, la nécessité -étroitement liée à la première- de “rendre permanente” la révolution jusqu'à ce que le prolétariat international ait associé, concentré entre ses mains les principales forces productives mondiales ;
— enfin, la nécessité -pour assurer cette “permanence”- que le prolétariat se constitue en parti indépendant, avec sa politique propre, et qu'il adopte une tactique permettant de créer et de renforcer son pouvoir face à celui de la bourgeoisie libérale et de la petite bourgeoisie démocrate, jusqu'à déplacer cette dernière et instaurer sa domination de classe."
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22 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 246
"Son œuvre ouverte, hors mesure, creuse au plus profond dans l'esprit d'une époque. Critique en mouvement d'un système dynamique, Le Capital, en dépit de ses multiples remaniements de son plan, était inachevable. Non parce que la vie de son auteur fut trop brève, mais parce que c'était une vie humaine, et parce que l'objet de sa critique, en perpétuel mouvement, l'entraînait toujours plus loin.
Pléiadisé, Marx, bénéficie désormais d'une reconnaissance académique qui s'efforce de l'enfermer dans les limites temporelles de son siècle : un formidable penseur, certes, mais daté et démodé, bon pour les archives et les musées. Un économiste amateur, un philosophe digne de figurer dans la grande fresque de l'odyssée de l'Esprit, un historien admissible au programme d'agrégation, un pionnier de la sociologie ? Un peu de tout cela. Marx en miettes, en somme, inoffensif. Un intellectuel respectable s'il n'avait eu la fâcheuse idée de se mêler de politique. C'est pourtant ce qui fait de lui une figure nouvelle d'intellectuel, qui sut mener de front dans les années 1860 la rédaction du Capital et l'organisation matérielle, jusqu'au collage des timbres, de la Première Internationale. C'est pourquoi, écrit Jacques Derrida, “il n'y a pas d'avenir sans Marx”. Pour, contre, avec, mais pas “sans”. Et quand les néolibéraux, scotchés à Hobbes, à Locke, à Tocqueville le traitent de ringard du XIXè siècle, le spectre sourit dans sa barbe.
L'actualité de Marx, c'est celle du capital lui-même. Car, s'il fut un formidable penseur de son époque, s'il a pensé avec son temps, il a aussi pensé contre et au-delà de son temps de manière intempestive. Son corps-à-corps, théorique et pratique, avec son ennemi irréductible, la puissance impersonnelle du capital, le porte jusqu'à notre présent. Son inactualité d'hier fait son actualité d'aujourd'hui."
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20 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 244
"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé.
La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c'est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu'ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d'ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l'histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté.
C'est ainsi que Luther prit le masque de l'apôtre Paul, que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa successivement dans le costume de la République romaine, puis dans celui de l'Empire romain, et que la révolution de 1848 ne sut rien faire de mieux que de parodier tantôt 1789, tantôt la tradition révolutionnaire de 1793 à 1795. C'est ainsi que le débutant qui apprend une nouvelle langue la retraduit toujours en pensée dans sa langue maternelle, mais il ne réussit à s'assimiler l'esprit de cette nouvelle langue et à s'en servir librement que lorsqu'il arrive à la manier sans se rappeler sa langue maternelle, et qu'il parvient même à oublier complètement cette dernière."
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