03 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 166
"Entouré d'une palissade relativement précaire, l'isolateur d'Antibès se trouvait dans la même zone du camp. La cellule était plus vaste et plus claire avec une fenêtre à barreaux assez grande. Et bien que cet isolateur fût lui aussi à demi enterré, les châlits supérieurs se trouvaient à hauteur du sol. La fenêtre donnait sur une partie de la cour de la prison et, par delà la palissade, on apercevait dans la zone du camp, les détenus sous escorte qui se rendaient au travail — ce camp-là était agricole.
(...)
J'étais alors une détenue déjà expérimentée. J'avais déjà connu de nombreuses prisons : celles d'Astrakhan, de Saratov, de Sverlovsk, de Tomsk, de Novossibirsk. Je commençais à m'habituer à l'isolement, à cette existence sans livres, sans papier et sans crayon où ma seule activité était de composer des vers et les apprendre par cœur pour m'en souvenir, déclamer les poèmes de mes auteurs préférés et, obligatoirement, chaque matin, réciter la lettre-testament de Boukharine. Et enfin me plonger encore et toujours dans mon passé, source de bonheur rare et de tourments incroyables.
(...)
Au début du mois de novembre, un nouveau gardien fit son apparition et quelle ne fut pas ma joie de découvrir qu'il s'agissait de Vanek, celui-là même qui m'avait escortée de Mariinsk à Antibès. Un jour, au cours de la promenade, je vis, tremblant de froid dans la neige, un chaton tout efflanqué dans son pelage sibérien épais et duveteux. Je demandai la permission de le prendre avec moi dans la cellule. “Vas-y, prends-le”, fut la réponse de Vanek. Je baptisai le chaton Antibès. Le même jour, j'eus une autre bonne surprise : je reçus, pour la première et la dernière fois de toute la durée de ma détention, de l'argent de ma mère. Il avait mis presque un an pour arriver. Depuis, ma mère avait été arrêtée et se trouvait elle-même derrière les barreaux."
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02 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 165
"Aussi n'existe-t-il nulle part dans le monde de contradiction aussi flagrante entre la théorie officielle et la vie réelle, entre les espoirs et leur réalisation, entre les mots et les actes. Mais l'idéologie officielle est la seule admise en U.R.S.S., ce qui fait que la vie politique et sociale en Russie est pénétrée de mensonge à un degré inouï. Cela se voit à chaque pas, cela se sent chez tous les citoyens, quelle que soit leur condition, cela frappe chez l'orateur à la tribune, aux premiers mots qu'il prononce. Cette contradiction terrible m'a poursuivi tout au long des dix années que j'ai vécues en U.R.S.S."
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01 mars 2023
"BOUQUINAGE" - 164
"Être foncièrement convaincu qu’est à haut point pertinente la visée communiste marxienne pour aujourd’hui et demain non seulement n’incline pas à quelque indulgence envers le stalinisme sous toutes ses formes, mais ajoute encore au contraire à la sévérité : personne ne pouvait faire tort à la cause communiste autant que l’a fait Staline."
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27 février 2023
Ukraine : mettre fin à l'agression !
Un an après l’agression russe contre l’Ukraine, une fraction du "mouvement de solidarité" peine à dénoncer clairement cette violation territoriale d’un Etat souverain au mépris des règles internationales, se résigne au fait accompli et évite maintenant d’exiger le retrait immédiat de l’armée russe, exclut d’opérer une nette distinction entre occupants et occupés !
Principalement au nom d’un noble but : la paix.
Mais qui n’est pas favorable à la paix et qui n’est pas opposé aux guerres, à part évidemment les marchands de canons et les mercenaires qui vivent des conflits armés ?
Proclamer une position pacifique de principe (consensuelle) est certes louable mais n’épuise pas la question, et ne justifie aucunement le refus de procéder à une "analyse concrète d’une situation concrète".
S’abstenir de condamner sans ambiguïté l’agression de la Russie de Poutine, au motif que les agissements de l’autocrate du Kremlin sont exploités par l’Otan et les Etats-Unis, illustre l’impasse du "campisme" (le monde est divisé en camps et il faut choisir le sien, envers et contre tout) ou d’un "pacifisme abstrait".
Si l’on devait suivre certains "raisonneurs géopolitiques" actuels, on pourrait étrangement revisiter l’histoire des guerres et des conflits. Ainsi, en 1936, en Espagne, il n’eût pas fallu fournir des armes (ce qui d'ailleurs n'a pas vraiment été réalisé, hélas !) ni apporter son appui au peuple espagnol, mais les nations auraient dû s'activer pour organiser une "conférence de paix" avec… le putschiste Franco ! Ainsi, en 1939-1940, devant l'invasion de nombreux pays par l'Allemagne nazie, il n’eût pas fallu organiser la résistance mais essayer de trouver une "solution pacifique" avec… Hitler, afin de ne pas "faire le jeu" des impérialismes britannique ou US !
Ce type de positionnement, politiquement intenable, ignore au passage le droit des peuples à l’autodétermination, et par conséquent le droit de ceux-ci à l’autodéfense face à un ou plusieurs agresseurs !
Pour en revenir au cas présent, il doit exister beaucoup de distraits : rappelons que ce sont les troupes russes qui ont franchi la frontière ukrainienne pour marcher sur Kiev, ce ne sont pas les troupes ukrainiennes qui ont franchi la frontière russe pour marcher sur Moscou !
Et il est incontestable que sans armes le peuple ukrainien ne pourrait tenir tête à l'une des principales puissances militaires du monde et ne pourrait éviter à terme le démembrement du pays !
Par ailleurs, ce serait une vaine illusion de penser que Poutine pourrait soudainement retirer son armée parce qu'on le lui demande aimablement, ou à l'issue d'une hypothétique et gentille "négociation" (sur quoi d'ailleurs ?).
Enfin, dans cette situation mortifère pour eux, pourquoi les Ukrainiens devraient-ils être regardants et sélectionner les pays qui leur procurent un armement indispensable ? Dans certaines circonstances, il faut pouvoir conclure de nécessaires accords de survie ! En 1917-1918, les Bolchéviks de Lénine ont été contraints de ratifier une paix infamante avec l'Allemagne impériale pour gagner un peu de temps et d'espace, et les communistes chinois n'ont pas hésité à pactiser avec les nationalistes de Tchang Kaï-Chek pour lutter contre l'impérialisme japonais ! Et qui reprochera au peuple vietnamien ou au peuple cubain d’avoir pu bénéficier d’un (relatif) soutien du totalitarisme soviétique face à l’ingérence musclée des Etats-Unis ?
Aujourd'hui, l'ennemi principal du peuple ukrainien est l'occupant russe, qui bombarde, tue, massacre, déporte et viole sans aucun complexe. Aujourd’hui, l’urgence est d’arrêter les massacres en exigeant le retour des militaires russes chez eux.
Il serait donc pour le moins indécent de continuer à alimenter la fiction d'une guerre inopinée et de renvoyer dos à dos les "belligérants", de manière "équilibrée" (sic).
Il n’y a(ura) pas de "paix" possible sans un retrait préalable des troupes russes de l’Ukraine !
NB : d’aucuns lèvent les bras au ciel en expliquant qu’un Zélensky ne vaut guère mieux que son homologue russe. Comme s’il s’agissait de soutenir un individu, fut-ce un chef d’État, ou un gouvernement, et non un peuple qui doit survivre sous les bombes ! De la même manière, condamner le régime de l’ancien agent du KGB Vladimir Poutine et son expansionnisme, ne signifie pas combattre le peuple russe. En Russie aussi, il existe une opposition —socialiste notamment— qui revendique la fin de l’invasion et de l’occupation de l’Ukraine. Elle est d'ailleurs la première à subir la politique répressive de la nomenklatura au pouvoir, et elle mérite elle aussi tout notre soutien !
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Quelle solidarité avec le peuple ukrainien ?
La position du "front commun"des organisations syndicales françaises est autrement plus claire et mieux structurée que la position (des dirigeants) de "nos" syndicats...
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16 février 2023
"BOUQUINAGE" - 151
"Il arrive que des auteurs écrivent des livres à foison, mais qu'arrivés à l'âge de la maturité où les idées se sédimentent ils ne fassent que remettre sur le métier le même livre camouflé derrière des variations plus ou moins stériles. Gorz n'a pas été de ceux-là. Profond dans ses investigations, il n'a pas été moins disponible pour continûment réviser ses idées, explorer de nouveaux territoires intellectuels, découvrir de nouveaux candidats à l'insoumission, avec pour immuable objectif de faire jaillir du réel des propositions censées donner libre carrière à l'utopie concrète. Ce à quoi André Gorz a obstinément travaillé, c'est à imaginer “une société non capitaliste et non marchande porteuse de liberté et qui fasse rêver.” [Lettre à Denis Clerc, 19 mai 1983] Le chemin a été long et sinueux."
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14 février 2023
"BOUQUINAGE" - 149
"Avec les catastrophes climatiques qui ne font que commencer et la raréfaction des ressources naturelles, le monde peut, plus vite que l'on ne le croit, basculer dans des guerres sans fin et des régimes fascistes qui y répondront par l'accaparement, au profit de quelques uns, du peu qu'il reste et par la mise au pas de la majorité de la population. L'urgence démocratique est consubstantielle à l'urgence sociale et écologique."
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10 février 2023
"BOUQUINAGE" - 145
"Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d'être chrétien, économe et moral, j'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste."
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