24 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 248
"D'une guerre européenne peut jaillir la révolution, et les classes dirigeantes feront bien d'y songer ; mais il en peut sortir aussi, pour une longue période, des crises de contre-révolution, de réaction furieuse, de nationalisme exaspéré, de dictature étouffante, de militarisme monstrueux, une longue chaîne de violences rétrogrades et de haines basses, de représailles et de servitudes, Et nous, nous ne voulons pas jouer à ce jeu de hasard barbare, nous ne voulons pas exposer, sur ce coup de dé sanglant, la certitude d'émancipation progressive des prolétaires, la certitude de juste autonomie que réserve à tous les peuples, à tous les fragments de peuples, au-dessus des partages et des démembrements, la pleine victoire de la démocratie socialiste européenne.
C'est pourquoi, nous socialistes français, sans qu'aucune personne humaine puisse nous accuser d'abaisser le droit, nous répudions à fond, aujourd'hui et à jamais, et quelles que puissent être les conjectures de la fortune changeante, toute pensée de revanche militaire contre l'Allemagne, toute guerre de revanche. Car cette guerre irait contre la démocratie, elle irait contre le prolétariat, elle irait donc contre le droit des nations, qui ne sera pleinement garanti que par le prolétariat et la démocratie. Aujourd'hui, la paix de l'Europe est nécessaire au progrès humain : et la paix, la paix assurée, la paix durable, la paix confiante entre l'Allemagne et la France, qui a beaucoup fait en Europe pour le mouvement de la démocratie et l'éveil de la classe ouvrière, ne peut pas être à contresens de leur développement."
00:00 Publié dans Histoire, Philosophie, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
23 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 247
"L'expérience de 1848-49 a donc conduit Marx et Engels, dans cette année de “bilan” que fut 1850, à formuler plusieurs propositions importantes :
— tout d'abord, la nécessité de la dictature du prolétariat dans la phase de transition vers la société communiste ;
— ensuite, la nécessité -étroitement liée à la première- de “rendre permanente” la révolution jusqu'à ce que le prolétariat international ait associé, concentré entre ses mains les principales forces productives mondiales ;
— enfin, la nécessité -pour assurer cette “permanence”- que le prolétariat se constitue en parti indépendant, avec sa politique propre, et qu'il adopte une tactique permettant de créer et de renforcer son pouvoir face à celui de la bourgeoisie libérale et de la petite bourgeoisie démocrate, jusqu'à déplacer cette dernière et instaurer sa domination de classe."
00:00 Publié dans Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
22 mai 2023
"BOUQUINAGE" - 246
"Son œuvre ouverte, hors mesure, creuse au plus profond dans l'esprit d'une époque. Critique en mouvement d'un système dynamique, Le Capital, en dépit de ses multiples remaniements de son plan, était inachevable. Non parce que la vie de son auteur fut trop brève, mais parce que c'était une vie humaine, et parce que l'objet de sa critique, en perpétuel mouvement, l'entraînait toujours plus loin.
Pléiadisé, Marx, bénéficie désormais d'une reconnaissance académique qui s'efforce de l'enfermer dans les limites temporelles de son siècle : un formidable penseur, certes, mais daté et démodé, bon pour les archives et les musées. Un économiste amateur, un philosophe digne de figurer dans la grande fresque de l'odyssée de l'Esprit, un historien admissible au programme d'agrégation, un pionnier de la sociologie ? Un peu de tout cela. Marx en miettes, en somme, inoffensif. Un intellectuel respectable s'il n'avait eu la fâcheuse idée de se mêler de politique. C'est pourtant ce qui fait de lui une figure nouvelle d'intellectuel, qui sut mener de front dans les années 1860 la rédaction du Capital et l'organisation matérielle, jusqu'au collage des timbres, de la Première Internationale. C'est pourquoi, écrit Jacques Derrida, “il n'y a pas d'avenir sans Marx”. Pour, contre, avec, mais pas “sans”. Et quand les néolibéraux, scotchés à Hobbes, à Locke, à Tocqueville le traitent de ringard du XIXè siècle, le spectre sourit dans sa barbe.
L'actualité de Marx, c'est celle du capital lui-même. Car, s'il fut un formidable penseur de son époque, s'il a pensé avec son temps, il a aussi pensé contre et au-delà de son temps de manière intempestive. Son corps-à-corps, théorique et pratique, avec son ennemi irréductible, la puissance impersonnelle du capital, le porte jusqu'à notre présent. Son inactualité d'hier fait son actualité d'aujourd'hui."
00:00 Publié dans Philosophie, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |