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17 avril 2015

Amour et révolution

Leon-Trotsky-with-Frida-K-001.jpg« Un amour de Frida Kahlo », un titre auquel l’éditeur a finalement préféré un plus vendeur ( ?)  « Les amants de Coyoacan », est le dernier roman en date de Gérard de Cortanze.

On l’aura deviné : nous nous retrouvons dans le Mexique des années trente, celui de la grande artiste-peintre Frida Kalho, une forte et belle personnalité, aux relations amoureuses tumultueuses, à commencer par son propre mariage avec le réputé peintre muraliste Diego Rivera.

Toutefois, le véritable fil conducteur du livre est la liaison dévorante de Frida avec un hôte qu’ils accueillirent en 1937 dans leur célèbre « Maison bleue » (Casa azul),  à Mexico. Un réfugié politique privé de visa planétaire : Léon Trotsky.

Cette liaison fut à l’origine d’une sévère crise au sein du couple des vieux révolutionnaires russes, Trotsky devant même se séparer pendant une courte période de sa compagne,  Natalia Ivanovna Sedova (1).

Une liaison certes connue. Mais nous disposons aujourd’hui encore d’informations limitées concernant cet aspect de l’histoire dans sa version « people » , tant les témoins directs et les biographes furent assez peu diserts à ce sujet (2).

Que cela ne tienne : le narrateur a ainsi les coudées franches pour laisser libre cours à sa fantaisie et consacrer plus de 300 pages à une passion amoureuse haute en couleur.

Le ton est vite donné. Dès le débarquement des Trotsky à Tampico, leur première rencontre avec Magdalena Carmen Frida Kahlo et leur installation dans sa demeure : « C’est donc ici que tout commence, dit Natalia. Léon ne répondit pas. Il pensait au parfum de Frida. Il avait déjà croisé des femmes qui le portaient mais sur elle il sentait différemment : Shocking, de Schiaparelli. Tout homme sensible à la beauté féminine connaissait l’histoire du célèbre flacon sculpté par Leonor Fini, qui s’était inspiré du buste de Mae West… ».  La sculpturale actrice nord-américaine, rien de moins !

D’autres drôleries parsèment les pages du roman : ainsi, Trotsky se faufilant pour rejoindre incognito Frida, vêtu d’une chemise à fleur et d’un original couvre-chef. Comme un hippy des temps à venir, la barbe en moins car rasée pour la circonstance afin de ne pas être repéré par d’éventuels agents de la Guépéou !

Naturellement, tout n’est pas aussi amusant. L’auteur a étudié son sujet, et la création romanesque n’occulte pas la réalité historique.

Le constant va-et-vient entre la fiction et les événements historiques peut d’ailleurs être déconcertant pour qui connait peu cette époque troublée du siècle dernier.

Néanmoins,  c’est la vitalité de Frida la « passionnée » qui anime de Cortanze. Non seulement elle s’entiche de Léon, mais elle connaitra de multiples et chaudes « aventures », du secrétaire le plus proche de Trotsky au poète Benjamin Péret, sans oublier une trouble « amitié amoureuse » avec… un certain Frank Jacson (alias Jacques Mornard), le futur assassin du révolutionnaire exilé !

Finalement, il nous décrit une Frida dialoguant avec le fantôme de Trotsky,  jusqu’à sa mort, en juillet 1954.

Peu importe ici la crédibilité   -toute relative (doux euphémisme)-   de ce que veut nous restituer l’écrivain. Il suffit de se laisser emporter par l’imaginaire débridé de l’auteur, tout en sirotant un bon verre… de ce que vous voulez !

Ce n’est évidemment pas le seul roman qui accorde une place importante à l’artiste mexicaine et/ou au théoricien de la révolution permanente (3), ni surtout le plus talentueux (4).

Reste un ouvrage agréable à lire, qui divertira les admirateurs de Frida et/ou de Léon, peut-être enclins à terminer cette période de vacances scolaires par un chouia de romantisme « rouge »…

 

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Notes

 

(1)     Léon et Natalia Trotsky, Correspondance 1933-1938, Gallimard, Paris, 1980

(2)    Isaac Deutscher élude largement cet épisode : « On ignore si l’exceptionnelle beauté délicate de Frida et son âge suscitèrent en Trotsky plus que de la galanterie normale ou si Natalia qui avait maintenant cinquante-cinq ans, tomba victime de la jalousie qu’on éprouve souvent dans l’âge mur. Qu’il nous suffise de dire qu’une crise s’ensuivit et que Trotsky et Natalia furent tous deux malheureux et misérables » (Trotsky, Le prophète hors-la-loi, UGE 10/18, Paris, 1980, page 514). Jean Van Heijenoort, témoin direct, lèvera plus tard un coin du voile pudique : « Ceci se passait quelques semaines après la fin des audiences de la Commission Dewey. Fin juin, la situation devint telle, que ceux qui se trouvaient tout près de Trotsky commençaient à s’inquiéter. Natalia souffrait. Diégo, lui, ne se doutait de rien. C’était un homme d’une jalousie maladive et le moindre soupçon de sa part aurait provoqué une explosion. On imagine le scandale et les graves répercussions politiques » (Sept ans auprès de Léon Trotsky, Les Lettres Nouvelles/Maurice Nadeau, Paris, 1978, page 165). Pour sa part, dans son excellente biographie, Pierre Broué indique que « ce flirt devient au mois de juin une liaison qui provoque bien des tempêtes :  même si personne n’est au courant de leurs rencontres secrètes dans l’appartement de Christina, la sœur de Frida, rue Aguayo, on le soupçonne dans leur entourage » (Trotsky, Fayard, Paris, 1988, page 844). Plus explicite, Alain Dugrand : « La vie est surprenante, le hasard provoquant, mais la passion, feu de paille ou jeu de curiosité, embarqua ces deux-là dans un fol amour clandestin (…). Comme dans toutes les comédies, l’amour se joue côté cour. Natalia souffre, les compagnons de lutte et proches maugréent, ils craignent le scandale. C’est que dans le confinement de l’exil, il n’est pas simple de s’abandonner aux frémissements des corps. Et puis, comme le résume Vlady, ‘le puritanisme dans le mouvement marxiste-révolutionnaire était et demeure’ » (Trotsky Mexico 1937-1940, Payot, Paris, 1988, pages 40-41).

(3)    Notamment des romans policiers, ce qui n’est pas insolite au vu du destin tragique de Trotsky. Par exemple : Richard Hoyt, Trotski se fait la paire, Gallimard, Série Noire, Paris, 1983 ; Paco Ignacio Taibo II, A quatre mains, Rivages, Paris, 1992 ; Jean-François Vilar, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, Seuil, Paris, 1993 ; Gregorio Leôn, L’ultime secret de Frida K., Les Escales, Paris, 2012.

(4)    Les deux œuvres incontournables sont : Barbara Kingsolver, Un autre monde, Payot/Rivages, Paris, 2010 et Léonardo Padura, L’homme qui aimait les chiens, Métailé, Paris 2011. Deux des quatre ou cinq plus grands romans que j’ai pus lire au cours de la dernière décennie !

 

 

Gérard de Cortanze, Les amants de Coyoacan, Albin Michel, Paris, 2015, 20,90 €

 

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04 avril 2015

Sereine inquiétude

desespoir_500x500.jpgDésarroi.

Tel semble être le mot qui résume le mieux la situation politique actuelle en Belgique.

Beaucoup de militants, de syndicalistes, de travailleurs et de citoyens ne comprennent pas. Ou ne comprennent plus.

Il est chaque jour question de « mécontentement généralisé » et de « mobilisation sociale » ; pourtant, semaine après semaine,  le gouvernement de Charles Michel s’affirme et met en œuvre méthodiquement son programme !

Après le saut d’index, voici en effet qu’il confirme le « relèvement de l’âge légal de la retraite à 67 ans » et l’accentuation de la « lutte contre la fraude sociale »  (principalement dans le collimateur : les chômeurs !)

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Il y aurait donc un « problème » et le plus grand nombre en serait conscient, sauf que plus personne ne sait à quel saint se vouer pour le résoudre…

En réalité, il n’y a pas une mais des difficultés. Fortement imbriquées.

Tant que la « concertation sociale » (l’accompagnement de la crise du capitalisme et des politiques austéritaires) reste l’horizon et la stratégie des syndicats, il y a souci !

Tant que les « actions » contre la coalition NVA-MR se limitent à des processions dans les rues de nos « grandes » villes, ou à des grèves générales épisodiques, il y a souci !

Tant que les « alternatives » se résument à quelques « aménagements » d’un système qui entraîne l’humanité vers le désastre, il y a souci !

Tant que la « gauche de gauche » s’avère incapable de se rassembler, et tant que le PTB manœuvre pour s’installer seul dans le paysage institutionnel, il y a souci !

Tant que des contestataires continuent à croire qu’il suffit de hurler sur les réseaux sociaux pour se faire entendre, il y a souci !

Tant que la majorité des électeurs continuera à soutenir dans les isoloirs la droite, il y a souci !

Tant que la plupart reste convaincue que le « bonheur » se trouve dans la recherche d’un « hédonisme consumériste » et le repli sur la « sphère privée », il y a souci !

 

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Cela ne signifie pas qu’il faut définitivement « désespérer Billancourt »,  mais cela signifie que toutes les incantations du monde sont insuffisantes pour nous sortir des impasses actuelles et reprendre la progression vers un « ailleurs » et un « autrement » !

La route est longue et il n’existe aucun raccourci pour aller plus vite et mieux.

Ce serait donc une erreur de perdre maintenant toute lucidité pour se précipiter dans une fuite en avant sans perspectives concrètes d’un véritable changement. utopia.jpg

L’impatience est mauvaise conseillère ; elle ne peut se substituer à une « réflexion » et à un « agir » à la hauteur des lourds défis de l’époque…

 

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03 avril 2015

Marx, enfants admis !

Visite d’un jeune libertin à Blaise Pascal”, « Diogène, l’homme chien », « La folle journée du professeur Kant », « La confession de Saint Augustin » : voilà quelques titres publiés par la maison d’édition « Les petits Platons ».

Inutile d’être un universitaire de haut vol pour « capter » la nature de cette série : nous sommes pile poil dans le domaine de la philosophie et ces ouvrages s’adressent aux plus jeunes, « petits » ne renvoyant pas ici à un dilemme lié à la taille mais bien à un critère d’âge. Clin-d-oeil-de-Jiheu-!.jpg

De fait, le public cible est un public âgé de 9 à 14 ans ;  il n’est toutefois  pas interdit de lire ces « petits » livres jusqu’à 99 ans ! C’est même conseillé.

« Le fantôme de Karl Marx »,  écrit par Ronan de Calan et abondamment illustré par Donatien Mary, est un conte inédit pour enfants qui pourrait débuter par le traditionnel « il était une fois »,  mais qui est introduit pour la circonstance par un « Guten Tag ! » que l’on imagine sonore.

« Bonjour ! N’aie pas peur,  ce n’est qu’un drap ! Mon nom est Karl Marx. Je ne suis plus tout jeune,  je fêterai bientôt mes deux cents ans. Mais ne crois pas que je suis déjà mort pour errer ainsi comme un fantôme. Ne crois pas ceux qui le disent, le répètent et aiment tant à le répéter ».

Après cette entrée en matière sans fard, l’auteur enchaîne rapidement par une histoire mélancolique de paysans de Silésie « expropriés, exilés, ruinés et exploités », métamorphosés par la force du marché capitaliste en  drapiers de Silésie, et sauvagement réprimés à la moindre tentative de rébellion ! Une illustration sanglante de la dure conflictualité entre « Monsieur Das Kapital » et les « ouvriers affamés et révoltés ».

Le récit peut alors dérouler son fil. Quelques pages suffisent pour aborder quelques concepts importants de l’œuvre marxienne : la « marchandise »,  la « valeur d’usage », la « valeur d’échange »,  le « prolétariat », la « force de travail », « l’exploitation »,  les « rapports de production »,  la « lutte des classes », …

La lecture est agréable,  par la force des choses rapide : une soixantaine de pages parsemées de très nombreux dessins joliment évocateurs.

Il est évidemment difficile, dans ce type d’exercice ludique, d’éviter les « simplismes ». Mais l’essentiel est ailleurs : le but est de favoriser une première approche d’une œuvre majeure pour des jeunes,  d’éveiller leur intérêt , de mobiliser leur attention, et ainsi peut-être les stimuler à pousser leur découverte un peu plus loin un peu plus tard ! 

Un livre à offrir à vos jeunes enfants ou… petits enfants. Pour qu’ils le lisent ou pour que vous le leur lisiez.

Une petite drôlerie pour terminer : « les droits de reproduction et de traduction sont réservés pour tous les pays, y compris l’URSS ». L’URSS ? Oui, car il s’agit d’une référence explicite à la « loi 49956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ». Cela ne nous rajeunit pas ! Raison de plus pour dévorer cet opuscule, en guise de cure de jouvence…

 

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Ronan de Calan et Donatien Mary, Le fantôme de Karl Marx, Les petits Platons, Paris, 2011, 14 €

 

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29 mars 2015

Incertitude(s)

pas touche index.jpg23 septembre 2014 : concentration «  interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).

6 novembre 2014 : manifestation nationale en front commun syndical à Bruxelles.

24 novembre, 1er et 8 décembre 2014 : grèves générales régionales de 24 heures, en front commun syndical.

15 décembre 2014 : grève générale nationale de 24 heures, en front commun syndical.

11 mars 2015 : concentration «  interprofessionnelle » de militants en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).

19 mars 2015 : concentration de militants du secteur public en front commun syndical à la Place de la Monnaie (Bruxelles).

Semaine du 30 mars au 3 avril 2015 : diverses manifestations régionales en front commun syndical (Bruxelles, Liège, Charleroi, etc.)

22 avril 2015 : grève générale de 24 heures de la (seule) CGSP.

 

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Les actions des syndicats ne manquent pas, mais elles sont éparpillées dans le temps et dans l’espace. Cela nuit à la lisibilité de la stratégie syndicale, épuise les militants et démobilise les affiliés, faute de résultats probants.

Car le gouvernement reste ferme sur ses principes et met progressivement en œuvre ses priorités programmatiques, tel le saut d’index qui sera voté tout prochainement à la Chambre !

Charles Michel est désormais plus préoccupé par les frasques de la NVA ou les querelles entre celle-ci et le CD&V, que par une agitation sociale fragmentée, aux objectifs de plus en plus nébuleux.

D’autant que les dirigeants syndicaux ont bien aidé cette coalition en brisant la concertation.jpgdynamique de la mobilisation dès le mois de décembre, et en s’enlisant dans une « concertation » contre-productive !

Après des semaines de palabres autour des mesures transitoires nécessaires dans l’application de la politique gouvernementale, après le rejet sans appel de toutes les exigences principales de la CSC et de la FGTB, l’avenir immédiat reste sombre.

La « culture de la résignation » a pris le dessus sur la « culture de combat » ; les appareils n’organisent plus des luttes « pour gagner »  mais des luttes « pour témoigner ». Tout se passe comme s’il s’agissait de pouvoir dire que l’on « a fait quelque chose », histoire d’afficher sa bonne conscience, tout en s’abstenant de se donner les moyens de renverser cette coalition NVA-MR pour mettre un terme au nouveau désastre social qui prend forme peu à peu !

bureaucratie-syndicalisme.pngLa catastrophe est imminente mais la direction de la CSC continue à vouloir « donner une chance à la concertation », à l’instar de sa centrale des services publics qui refuse de répondre positivement à l’appel à la grève générale de la CGSP, tandis que Marc Goblet se dépêche de signer un accord avec les responsables de la mutuelle Solidaris et du PS,  afin de  « renforcer la protection sociale ». Pour qui veut bien se remémorer le triste bilan d’un quart de siècle de participations gouvernementales des amis d’Elio Di Rupo, voilà qui est proprement consternant !

A l’évidence, le sommet syndical veut éviter un affrontement décisif avec les différents exécutifs de ce pays, à commencer par l’Exécutif fédéral. Il essaie grève générale.jpgseulement de grappiller quelques miettes en accompagnant les politiques d’austérité qui sont à l’ordre du jour à tous les niveaux de pouvoir et, pour le reste, il se prépare à « faire le gros dos » jusque 2019. En espérant que les prochaines élections législatives favoriseront le retour d’une coalition de « centre gauche », qui frappera un tout petit peu moins fort sur la tête des travailleurs et avec qui l’on pourra discuter un tout petit peu plus de possibles « marges de manœuvre sociales » ! Une illusion à l’aune du bilan de ces trente dernières années…

Certes, ces turpitudes bureaucratiques ont un air de « déjà vu ».

Il est néanmoins toujours surprenant de constater l’inertie générale et l’absence de réactions significatives face à ces mauvais scenarii à répétition.

Où reste par exemple la « gauche syndicale » ? En dehors de la FGTB de Charleroi qui continue à appeler à un rassemblement large autour d’une « alternative anticapitaliste », son silence est plutôt bruyant. Et quelques voix dispersées qui se font entendre de ci de là, ou quelques coups de gueule sur Facebook, ne constituent pas une lame de fond . Ni au sein du « syndicat socialiste » ni au  sein du « syndicat chrétien » !

GO.jpgLa gauche politique est tout aussi erratique. Bien sûr, PTB-GO a réalisé une petite percée lors du scrutin du 25 mai dernier. Mais avec 2 sièges sur 150 au Parlement fédéral, la route demeure longue. D’autant que ces deux députés se comportent surtout comme des super « délégués syndicaux », moins comme  des « représentants du peuple »  qui proposent une stratégie et une alternative politiques d’ensemble face à la crise « globale »  du capitalisme, et face à sa trajectoire mortifère pour la planète humaine !  D’autant aussi que la « Gauche d’ouverture » est passée à la trappe du compte « profits et pertes » ! Question de priorités peut-être, payante à court terme sans doute, mais aléatoire à plus longue échéance…

Dans ces conditions, il serait exagéré d’affirmer que nous sommes toujours à la « croisée des chemins » ou que tout peut encore « basculer ».

Beaucoup d’interrogations subsistent, beaucoup de débats devront encore être menés, beaucoup de décisions devront être prises et matérialisées.

Des solutions de rechange sont-elles possibles dans un délai raisonnable au « niveau belge », avec une Flandre où le centre de gravité politique stationne continuellement à droite ? Comment se positionner vis-à-vis du « droit (démocratique) des peuples à l’autodétermination » ? La voie d’un « confédéralisme » assumé peut-elle ébranler les fortifications de la bourgeoisie, en ouvrant une brèche dans un « fédéralisme d’union » contraignant et en créant de plus grandes possibilités de changement en Wallonie, le maillon le plus faible des dominants ?

La « gauche de gauche » doit-elle se résigner à l’éclatement perpétuel ou travailler sans tarder à un véritable rassemblement large dans la perspective de la constitution d’une « nouvelle force politique », à gauche du PS et d’Ecolo ? Que peuvent nous apprendre Syriza et Podemos, par exemple ?

Quelle articulation entre mouvements sociaux (comme ToutAutreChose), partis et syndicats ?

La concrétisation d’une alternative de gauche est-elle « réaliste » dans le cadre de place au peuple.pngl’Union européenne actuelle ? Quelle attitude vis-à-vis de l’Euro ? [Ce qui se passe en Grèce aujourd’hui sera certainement lourd d’enseignements pour le futur…]

Quel programme de rupture avec le capitalisme et quelle stratégie de transformation adaptée à notre « société réellement existante » en ce début de XXIème siècle ?

Autant de questions difficiles qui attendent toujours des réponses convaincantes.

Un autre monde doit être possible mais il subsiste énormément d’obstacles. Et ni la « Méthode Coué », ni les « yaka », ni les « fautque » ne peuvent vraiment nous aider sur le chemin escarpé que nous devrons emprunter pour l’atteindre, ici ou ailleurs, demain ou après-demain…

 

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Dans quelques heures...

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24 mars 2015

1905, première vague révolutionnaire

Il y a 110 ans, la Russie de l’autocrate absolu Nicolas II était secouée par un puissant tourbillon révolutionnaire, douze ans avant Octobre 1917.

Une date est restée dans l’histoire, celle du 9 janvier 1905 (selon le calendrier « julien » qui était en vigueur au pays des Romanov, le 22 janvier selon notre calendrier « grégorien »).

Ce jour, un dimanche, une immense foule tenta de rejoindre en procession le Palais d’Hiver pour remettre au Tsar une pétition revendicative (liant aspects démocratiques, politiques et économiques), sous la conduite d’un pope orthodoxe, Georges Gapone.  Mais les dizaines de milliers de « manifestants »  seront arrêtés par la troupe qui ouvrira le feu et chargera la foule pour la sabrer, faisant des centaines de victimes, hommes, femmes et enfants.

C’est autour de ce drame et de ce personnage controversé que Jean-Jacques Marie nous livre un récit passionnant des événements qui ébranlèrent une première fois la terre russe, au début du siècle dernier.

Le « Dimanche Rouge » sera considéré par beaucoup  -de Jaurès à l’empereur d’Allemagne Guillaume II, de Lénine à Soljenitsyne-  comme un tournant majeur dans l’histoire de la Russie et, par conséquent, dans l’histoire de l’Europe.

Une date charnière, au même titre que le 14 juillet français, symboliquement inaugurale de la geste révolutionnaire.

Et comme le précise l’auteur,  « une onde de choc qui balaie les convictions, les traditions, les habitudes. Des milliers d’hommes sont prêts désormais à écouter la propagande des révolutionnaires, qu’ils tenaient jusqu’alors à l’écart ».

Jean-Jacques Marie retrace donc l’itinéraire de ce prêtre hors norme (qui intéressait Lénine), et nous plonge dans l’histoire tumultueuse de cette période de la Révolution russe, moins connue que celle de la Révolution bolchévique de 1917.

Il revient sur cette époque d’industrialisation de la Russie, de développement de la classe et du mouvement ouvriers. De la politique de conquêtes territoriales vers l’Orient, des tensions et puis de la guerre avec le Japon. De l’agitation sociale et des soulèvements dans les campagnes. De la grève générale, des comités de grève et de la naissance des « soviets ». De la réaction du régime, des massacres, des arrestations massives, des procès et des déportations en Sibérie. De l’antisémitisme et des pogromes. De la politique terroriste du Parti Socialiste Révolutionnaire et de l’émergence de la social démocratie, éclatée entre Bolchéviks et Menchéviks.

Et puis Gapone, fils d’un cosaque et d’une paysanne, séminariste (ce que fut aussi un certain Staline, mais ceci est une autre histoire), influencé par Toltstoï, homme d’action plutôt que théoricien, confronté rapidement avec les réalités de la misère populaire, fondateur de « sociétés ouvrières » avec l’appui de l’Okhrana (la police politique du tsarisme), désireuse de créer et de contrôler un « mouvement ouvrier monarchiste » pour éloigner les travailleurs des intellectuels et des partis en lutte contre l’autocratie !

Gapone, qui deviendra un électron libre, incontrôlable, à la popularité grandissante, et qui se retrouvera à la tête des masses en ce funeste dimanche du mois de janvier 1905.

Gapone, qui échappera à la mort et devra se cacher avant de fuir à l’étranger.

Gapone, qui rencontrera alors dans l'émigration les représentants des différentes tendances du mouvement révolutionnaire, notamment Plekhanov et Lénine.

Gapone, qui oscillera un moment entre la social-démocratie et les socialistes révolutionnaires pour finalement rejoindre ces derniers, avant de les quitter 5 semaines plus tard !

Gapone, qui évoluera ensuite vers la droite quand le balancier de l’histoire s’orientera à gauche.

Gapone qui tournera le dos à la révolution au moment ou celle-ci prend forme.

Gapone, qui se perdra dans des intrigues, sera manipulé par le pouvoir après avoir été amnistié, considéré comme un traître et assassiné par des proches, en mars 1906, lorsque la vague révolutionnaire aura déjà reflué, victime des coups de la répression.

On le voit, un livre foisonnant.

Un livre qui constitue un éclairage utile concernant la trajectoire d’une personnalité historique qui, bien que finalement éphémère, aura joué un rôle loin d’être anodin.

Un livre qui présente un vaste panorama d'un épisode annonciateur de la grande lueur de 1917, fondatrice du « court  XXème  siècle ».

Un livre passionnant pour tous les amateurs de l’histoire du mouvement ouvrier et des révolutions, pour tout amateur d’histoire, tout simplement…

 

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Jean-Jacques Marie, Le Dimanche Rouge,  Larousse, Paris, 2008, 18 €

 

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19 mars 2015

Affamer les affameurs !

Cet opuscule reprend deux nouvelles de Jack London publiées en 1909, la première étant la plus connue.

Dans celle-ci, l’écrivain socialiste décrit une immense grève générale qui frappe l’ensemble des Etats-Unis, quelques années après le tremblement de terre de San Francisco ; un séisme succédant ainsi à un autre !

La bourgeoisie est désorientée. Notamment Corf qui, lorsqu’il était étudiant, avait publié un article intitulé  « le rêve de Debs » (titre éponyme de ce récit de London), où il considérait la grève générale imaginée par le syndicaliste révolutionnaire comme une pure chimère.

Au début, la grève est pacifique. Les ouvriers endimanchés se promènent tranquillement. Bien préparés depuis des mois par la direction de leur syndicat, ils ne manquent pas du nécessaire et peuvent affronter cette épreuve en position de force !

Ensuite,  peu à peu,  s’installent pénurie de vivres et famine,  qui vont précipiter les plus miséreux et les classes privilégiées dans la violence. La lutte vitale pour la nourriture sème alors la confusion et la mort. Même les militaires chargés de maintenir l’ordre succombent à la frénésie de la chasse aux victuailles. Tout y passe, à commencer par le bétail dans les campagnes.

Après plusieurs mois de chaos, la classe dominante devra céder et le syndicalisme victorieux  imposera aux bourgeois sa  propre « tyrannie ».

London mythifie l’arme décisive par excellence de la classe ouvrière. Ici,  pas besoin de piquets, la grève est vraiment totale : pas un travailleur ne travaille ; même les chauffeurs et domestiques des nantis ont arrêté toute activité.

Il nous décrit une grève « idéale » qui, faut-il le préciser, n’a jamais été concrétisée dans l’histoire, surtout à l’échelle d’un pays aussi vaste. Le mouvement est d’ailleurs facilité par la faiblesse de la bourgeoisie et de ses forces répressives, incapables de s’y opposer (elles auraient pu utiliser la brutalité pour s’emparer des provisions stockées dans les foyers ouvriers et contrôlées par le syndicat, mais elles ne tentent rien !).

Néanmoins, Jack London ne soulève pas explicitement la problématique d’une grève générale révolutionnaire avec prise du pouvoir politique à la clé, et édification du socialisme.

La seconde nouvelle, intitulée « Au Sud de la Fente », est politiquement moins ambitieuse.

La Fente est une voie du tram qui sépare le nord (« Les beaux quartiers bourgeois »)  du sud  de San Francisco (« Les quartiers ouvriers »).

Elle met en scène Frédérick Drummond et Bib Bill Totts, en fait un même homme avec deux identités différentes.

Quand il vit dans le nord de la ville, il est un sociologue conservateur, froid et distant, tandis que dans le sud, il se métamorphose pour devenir un ouvrier, fier de sa classe, syndicaliste passionné, qui n’hésite pas à faire le coup de poing contre les « jaunes »  dans les mouvements de grèves.

Dans un premier temps, l’intellectuel Drummond voulait seulement s’immerger dans le monde du travail pour l’étudier,  écrire des livres et donner des cours inspirés de son dur apprentissage des réalités de la classe laborieuse.

Mais il devient progressivement un prolétaire, ayant des difficultés à retourner à sa confortable vie bourgeoise, d’autant que Totts a fait la connaissance d’une militante à la forte personnalité, qui tombe amoureuse de lui !

Finalement, notre héros qui semblait d’abord opter pour une vie sans souci finira par préférer la vie prolétarienne, et il deviendra un dirigeant syndical de premier plan !

Un véritable Dr Jekyll et Mr Hyde de la lutte des classes, à moins que ce personnage fictif n’évoque de manière « subliminale » Jack London lui-même ?

Un petit livre plaisant pour nourrir imagination et... réflexion !

 

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Jack London, Grève Générale, Libertalia, 2008, 8 €

(illustrations de Romualo Gleyse)

 

 

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12 mars 2015

Le poète a toujours raison

colette ferrat.jpgIl y aura demain cinq ans disparaissait Jean Ferrat.

L’occasion de revenir ici sur un bel album qui lui avait été consacré en 2011, tendrement introduit par sa seconde épouse, Colette, qui écrivait alors fort justement : « Jean Ferrat n’est pas parti, il est en nous ».

Un livre à l’iconographie très riche, qui évoque la vie de l’artiste, de ses années d’enfance aux derniers moments, illustrée par de multiples témoignages, lettres, manuscrits, extraits de chansons, …

Jean Tenenbaum était encore très jeune lorsque son père succomba à Auschwitz, en 1942. Ce drame familial le marqua profondément (et les recherches qu’il entreprit à ce sujet le conduiront plus tard (1963) à écrire le poignant « Nuit et brouillard »).

Après la guerre et sa tragédie personnelle, il abandonna rapidement ses études de chimiste pour se consacrer au Music-Hall. C’est là qu’il fit son apprentissage de chanteur devant le plus exigeant des jurys : le public.

Au fil des pages, nous pouvons suivre son évolution, les premières années mouvementées, sa progression et le rôle joué dans celle-ci par des vedettes de l’époque comme Zizi Jeanmaire, sa complicité naissante avec Gérard Meys (son « producteur ») et Alain Goraguer (l’ « orchestrateur » de talent qui fignolait les arrangements musicaux), sa rencontre avec Christine Sèvres (chanteuse elle aussi, qui se tournera ensuite vers la peinture), son amitié avec de grandes personnalités de la chanson française comme Georges Brassens et Léo Ferré, le seul de ses pairs à qui il demandera un autographe !

Il y est évidemment aussi question de ses engagements, de son voyage à Cuba, de son admiration pour Federico Garcia Lorca (« j’ai découvert la poésie avec Aragon, mais pas seulement. Il y avait aussi Lorca, c’était d’une beauté absolument fracassante ») et, précisément, de sa relation avec celui qui fut l’un des plus grands écrivains français du XXème siècle (« la langue d’Aragon est particulièrement adaptée à la musique parce qu’elle est d’une concision extrême. Elle a une diversité exceptionnelle de rimes et d’images qui enrichit le sens. Un texte de chanson doit être ramassé. Il faut raconter une histoire en trois minutes. Dans la poésie d’Aragon, il y a l’alliance du chant profond, général, et d’une écriture forte et dense qui en fait la beauté et la grandeur »). Par ailleurs, Jean Ferrat aimait lire et lisait beaucoup : de Beaudelaire à Eluard en passant par Vian, Kundera ou Garcia Marquez. Il portait aussi un intérêt soutenu pour les biographies…

Et puis, un rappel utile, ses rapports conflictuels avec les médias, qui le censurèrent plus d’une fois (notamment  « Potemkine » ou « Un air de liberté », qui s’en prenait ouvertement au directeur du Figaro, Jean d’Ormesson). Ferrat fut ainsi interdit de télévision durant plusieurs années, ou ne put interpréter librement ses créations les plus contestées.

Le livre s’étend naturellement sur son coup de foudre pour l’Ardèche (avec de magnifiques photos), où il s’installa définitivement, et qui lui inspira son plus grand succès (« La Montagne »). Une région où il vivait heureux et apaisé, loin du tumulte du show-business  et loin de Paris, sa ville natale, à laquelle il restait toutefois attaché. C’est dans son village d’adoption qu’il jouait de mémorables parties de cartes ou de pétanque ; c’est là qu’il pouvait se détendre près d’un torrent situé en contrebas de sa propriété. Parmi quelques anecdotes savoureuses, ses vaines tentatives d’élevage de truites, systématiquement dévorées par les couleuvres du coin…

Sont encore évoquées ses amies et interprètes privilégiées  -Isabelle Aubret et Francesca Solleville-  ou ses liens avec Lise London, Edmonde Charles-Roux et Lucie Aubrac.

Isabelle aubret, jean ferrat et juliette gréco.jpg

Ses rapports avec le PCF ne sont pas éludés, ni ses critiques : condamnation de l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968 (« Camarade ») ou du stalinisme  (« Le Bilan »).

Sans oublier son sens de l’humour et son copinage avec les (regrettés) trublions de Charlie Hebdo (Reiser, Wolinski, Cabu…) qui lui consacrèrent quelques dessins caustiques (certains reproduits dans le livre) qui le faisaient beaucoup rire.

L’ouvrage se termine par de nombreux coups de chapeau de Pierre Perret à Georges Moustaki (décédé depuis lors), en passant par Juliette Greco, Bernard Pivot ou José Bové.

Un livre superbe pour se souvenir, et une invitation à redécouvrir cette attachante personnalité et une discographie qui lui survivra longtemps encore.

 

 

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Raoul Bellaïche, Colette Ferrat et Alain Marouani, Jean Ferrat, Editions Michel Lafon, Paris, 2011, 30 €

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