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16 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 210

"Après cette randonnée à travers la steppe, l'installation paraissait presque luxueuse. Reith se lava, se rasa à l'aide du rasoir que contenait sa trousse de survie, et enfila ses nouveaux vêtements, dans lesquels, espérait-il, il se ferait moins remarquer : un pantalon bouffant de toile brunâtre, une grossière chemise blanche tissée à la main, un gilet noir à manches courtes. Puis il sortit sur la véranda et contempla le campement. Comme elle lui paraissait loin de son existence sur la Terre ! Comparée aux multiples bizarreries de Tschaï, sa vie d'autrefois lui paraissait bien plate et bien terne —ce qui n'empêchait nullement d'y songer avec nostalgie. Toutefois, force lui était d'avouer que la détresse qui avait été la sienne au début n'était plus aussi poignante. Si précaire qu'elle fût, sa nouvelle existence ne manquait pas de piment et elle était placée sous le signe de l'aventure."

 

 

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15 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 209

"Élevé sous le drapeau rouge, j'ai toujours vu mon père en bleu."

 

 

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14 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 208

"Nous sommes donc bien loin des certitudes anciennes qui faisaient dire aux philosophes du XIXème siècle que la rupture dans l'histoire était un accouchement, et que le nouveau qui advenait était toujours nécessairement “supérieur” à l'ancien. Autant dire qu'en ce début de XXIème siècle personne ne peut connaître la voie qui sera prise. Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que s'ouvre devant nous une longue période de convulsions, d'affrontements et de bouleversements. Ceux qui rêvent de douce transition vers un monde plus écologique et plus généreux, ceux qui pensent pouvoir faire revenir en douceur le capitalisme dans son lit par quelques mesures fiscales, monétaires et douanières, ceux qui attendent un nouveau Keynes ou un nouveau Roosevelt, pèchent gravement par irréalisme et par ignorance."

 

 

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13 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 207

"Un bon livre Marcus, ne se mesure pas à ses derniers mots uniquement, mais à l’effet collectif de tous les mots qui les ont précédés. Environ une demi-seconde après avoir terminé votre livre, après en avoir lu le dernier mot, le lecteur doit se sentir envahi d’un sentiment puissant ; pendant un instant, il ne doit plus penser qu’à tout ce qu’il vient de lire, regarder la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer. Un bon livre, Marcus, est un livre que l’on regrette d’avoir terminé."

 

 

 

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12 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 206

"Pour ce jeune couple, qui n’était pas riche, mais qui désirait l’être, simplement parce qu’il n’était pas pauvre, il n’existait pas de situation plus inconfortable. Ils n’avaient que ce qu’ils méritaient d’avoir. Ils étaient renvoyés -alors que déjà ils rêvaient d’espace, de lumière, de silence- à la réalité, même pas sinistre, mais simplement rétrécie -et c’était peut-être pire- de leur logement exigu, de leurs repas quotidiens, de leurs vacances chétives. C’était ce qui correspondait à leur situation économique, à leur position sociale."

 

 

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11 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 205

"Des femmes, au visage triste et hagard, piétinaient dans la foule avec des enfants qui criaient et qui trébuchaient. Certaines étaient bien mises, leurs robes délicates et jolies toutes couvertes de poussière, et leurs figures lassées étaient sillonnées de larmes. Avec elles, parfois, se trouvaient des hommes, quelques-uns leur venant en aide, d'autres menaçants et farouches. Luttant côte à côte avec eux, avançaient quelques vagabonds las, vêtus de loques et de haillons, les yeux insolents, le verbe haut, hurlant des injures et des grossièretés. De vigoureux ouvriers se frayaient un chemin à la force des poings. D'autres pitoyables êtres, aux vêtements en désordre, paraissant être des employés de bureau ou de magasin, se débattaient fébrilement. Puis, mon frère remarqua, au passage, un soldat blessé, des hommes vêtus du costume des employés de chemin de fer, et une malheureuse créature qui avait simplement jeté un manteau par-dessus sa chemise de nuit.

Mais, malgré sa composition variée, cette multitude avait divers traits communs : la douleur et la consternation se peignaient sur les faces, et l'épouvante semblait être à leurs trousses. Une soudaine bousculade en amont, une querelle entre gens voulant grimper dans quelque véhicule leur fît hâter le pas à tous, et même un homme si effaré, si brisé que ses genoux ployaient sous lui, sentit pendant un instant une nouvelle activité l'animer. La chaleur et la poussière avaient déjà travaillé cette multitude : ils avaient la peau sèche, les lèvres noires et gercées. La soif et la fatigue les accablaient et leurs pieds étaient meurtris. Parmi les cris variés, on entendait des disputes, des reproches, des gémissements de gens harassés, à bout de forces, et la plupart des voix étaient rauques et faibles. Par-dessus tout dominait le refrain :

— Avancez ! de la place ! Les Martiens viennent !"

 

 

 

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10 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 204

"− Vous ne comprenez pas ? Eh bien, tout à l’heure, j’étais comme vous ! Mais maintenant je vois clair : on voulait se débarrasser de moi, tout simplement.

− Quoi ?

− Mais oui, on a voulu se débarrasser d’Hercule Poirot et on s’y est pris fort intelligemment. Le procédé était d’une astuce remarquable. L’endroit où je devais me rendre avait été choisi plus que judicieusement. Ils me craignaient.

− Qui ?

− Vous le demandez ? Les Quatre, voyons ! Ces quatre génies ligués pour travailler hors la loi : le Chinois, l’Américain, la Française, et… l’Autre… Prions Dieu d’arriver à temps, Hastings !"

 

 

 

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09 avril 2023

"BOUQUINAGE" - 203

"Maigret s’était rarement senti aussi dépaysé, comme en dehors de la vie normale, avec un malaise semblable à celui qui nous prend quand, dans un rêve, le sol se dérobe sous nos pieds.

Dans les rues enneigées, les rares passants marchaient en s’efforçant de garder l’équilibre, les voitures, les taxis, les autobus roulaient au ralenti tandis qu’un peu partout des camions de sable ou de sel longeaient au pas les trottoirs.

Derrière presque toutes les fenêtres brûlaient des lampes électriques et la neige tombait toujours d’un ciel gris ardoise.

Il aurait presque pu dire ce qui se passait dans chacune de ces petites cases où les humains respiraient. Depuis plus de trente ans, il avait appris à connaître Paris quartier par quartier, rue par rue, et pourtant, ici, il se sentait plongé dans un monde différent, où les réactions des êtres étaient imprévisibles.

Comment vivait Félix Nahour, quelques heures plus tôt encore ? Quelles étaient ses relations exactes avec ce secrétaire qui n’en était pas un, avec sa femme et ses deux enfants ? Pourquoi ceux-ci étaient-ils sur la Côte d’Azur et pourquoi…

Il y avait tant de pourquoi qu’il ne pouvait que les aborder un à un. Rien n’était clair. Rien n’était net. Rien ne se passait comme dans d’autres familles, d’autres foyers."

 

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