01 décembre 2025
POLARS EN BARRE [127]
"Phil contempla sa soucoupe vide en fronçant les sourcils, puis il se mit à ricaner :
— J’ai chez moi un revolver et une bouteille de whisky qui est à peu près possible, dit-il. Le revolver, tu peux l’avoir tout entier, quant au whisky, il n’a été coupé que deux fois et tu as droit à la moitié de la bouteille.
— J’ai droit à plus que ça, mais je veux bien me contenter de la moitié pour cette fois. Allons-y !"
Raoul Whitfield

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30 novembre 2025
POLARS EN BARRE [126]
"Les cordes crissaient sur le bois du petit cercueil. Les deux employés municipaux se tenaient de chaque côté de la fosse et hissaient la charge en cadence. Après deux ou trois mouvements, le cercueil fut posé sur le sol, près de la plaque tombale de granit.
- Alors ? demanda l'un des employés. Il s'essuya le front du revers de la manche, rejetant sa casquette en arrière.
Roland Gabelou eut un instant de passage à vide."
Thierry Jonquet

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29 novembre 2025
POLARS EN BARRE [125]
"Faty hocha la tête d’un air à la fois grave et enfantin, et Teissère, attendri, songea : "je t’aiderai, mon petit garçon. Parce que tu sais, tout est tellement crado. Des tueurs, des voyous, des pédés, des vicieux, du sperme, des putes, des macs, de la schnouf, du fric, des cons… Des coups de feu, de surin, d’acide, de rasoir, de pic à glace… Si tu savais ce que c’est qu’une vie de flic !"
Son cadet passait près d’eux. Teissère le happa et le prit aussi par les épaules.
Il était un peu gêné, mais ce geste, il le retenait depuis des années.
Il les serra très fort, ses deux fils. Ils étaient tous trois épaule contre épaule. Heureux.
Et c’était Noël. Un Noël blanc, même !
Des minutes comme celles-ci, ça valait bien cinquante-cinq ans de merde, non?"
Frédéric Fajardie

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28 novembre 2025
Friedrich Engels 1820 - 2025
Friedrich Engels est né il y a 205 ans à Barmen, dans un milieu piétiste et bourgeois −son père était propriétaire d’une usine de textile−, dans cette Rhénanie-Westphalie qui avait déjà vu naître Karl Marx en 1818. (1)
Friedrich Engels-Karl Marx, Karl Marx-Friedrich Engels, deux figures majeures de l’histoire du "mouvement ouvrier", indissociables même si d’aucuns s’acharnent à les dissocier, en minorant l’apport d’Engels ou en le rendant responsable des avatars du "marxisme" !
Durant près de 40 ans, c’est ensemble qu’ils s’engagèrent dans l’action révolutionnaire et c’est de concert qu’ils menèrent un travail théorique décisif.

De la révolution européenne de 1848 à la Commune de Paris, de la Ligue des Communistes au Parti social-démocrate allemand en passant par l’Association Internationale des Travailleurs, leur étroite collaboration fut constante.
C’est à quatre mains qu’ils écrivirent des œuvres majeures et sans Engels, pas de Capital. Non seulement parce que son aide matérielle fut cruciale, mais surtout parce que leurs discussions concernant le domaine économique furent
permanentes, Marx n’hésitant jamais à demander des explications concrètes à son camarade familiarisé avec les pratiques des affaires et de l’industrie, grâce à sa position au sein de l’entreprise familiale. (2)
Et puis, Engels avait montré la voie dès 1843-1844 en rédigeant son "Esquisse d’une critique de l’économie politique" (3) que Marx qualifia de "géniale" dans un célèbre bilan d'étape. (4)
Car Engels fut souvent un précurseur et son ami n’avait aucune difficulté à en convenir : "tu sais que 1. tout vient tard chez moi et 2. que je marche toujours sur tes traces". (5)
Ainsi c’est Engels qui découvrit et analysa très tôt la situation des classes laborieuses en cette époque de "révolution industrielle", c’est lui qui initia une première critique de l’économie politique de la classe dominante, c’est lui qui prit d’abord en considération les travaux des principaux "socialistes" qui les précédèrent, c’est lui qui se rallia le premier au "communisme", c’est lui qui accorda un grand intérêt aux "sciences exactes"…
Mais Engels fut plus qu’un partenaire intellectuel et militant, il fut un véritable ami qui se sacrifia pour aider financièrement Marx et sa famille, souvent dans la dèche. C’est pourquoi il accepta de travailler pour son industriel de père, ce qui lui coûtait beaucoup. (6)
Ce fut aussi Engels qui aida Marx à faire face à certaines turpitudes privées, notamment en assumant sa paternité adultérine ! (7)
Bon vivant, personnalité truculente, appréciant la gent féminine, capable de boire énormément, polyglotte, curieux de tout, "expert" en questions militaires (8) Engels était un homme aux multiples ressources, doté d'une force de travail peu commune.
Ainsi, après la mort de Marx, c’est lui qui travailla obstinément pour éditer les tomes 2 et 3 du Capital, et il joua un rôle considérable de "passeur" au sein de la social-démocratie allemande et de la nouvelle internationale fondée en 1889.
Engels succomba d’un cancer le 5 août 1895, laissant un vide immense dans le mouvement d’émancipation des travailleurs. (9)
Notes
- (1) Pour une biographie détaillée, je renvoie à la bibliographie proposée ci-dessous.
- (2) Voir : Marx-Engels, Lettres sur "Le Capital", Editions Sociales, Paris, 1964. Marx reconnut explicitement sa dette dans sa lettre du 16 août 1867 : "Voilà donc ce volume terminé. Si cela a été possible, c’est à toi et à toi seul que je le dois ! Sans ton dévouement pour moi, il m’aurait été impossible d’effectuer les travaux énormes nécessaires pour ces trois volumes." Marx-Engels, Correspondance – Tome IX, Editions Sociales, Paris, 1982, page 9.
- (3) Friedrich Engels, Esquisse d’une critique de l’économie politique in Ecrits de jeunesse – volume 2, Les Editions Sociales/GEME, Paris, 2018, pages 83-112.
- (4) Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique (Préface de 1859), Editions du Progrès, Moscou, 1975, page 6.
- (5) Lettre de Marx à Engels le 4 juillet 1864, in Marx-Engels, Correspondance - Tome VII, Editions Sociales, Paris, 1979, page 248.
- (6) Très vite, confronté à cette sombre perspective, il s’agaçait : "… mais j’en ai eu déjà par-dessus la tête avant même d’avoir commencé à travailler ; le commerce est trop affreux (…) et ce qui est particulièrement affreux, c’est d’être non seulement un bourgeois, mais un fabricant ; un bourgeois qui intervient activement contre le prolétariat. (…) On doit pouvoir, tout en étant communiste, être, quant à sa situation extérieure, un bourgeois et un négociant, si toutefois on n’écrit pas ; mais faire de la propagande communiste en grand et en même temps du commerce et de l’industrie, ça ne va pas. J’en ai assez ; à Pâques, je m’en vais." Lettre à Marx du 20 janvier 1845, in Marx-Engels, Correspondance – Tome I, Editions Sociales, Paris, 1971, pages 357-358. Face aux difficultés matérielles des deux amis, en exil en Angleterre suite à la déferlante contre-révolutionnaire sur le continent, Engels reprit son travail d’associé au sein de l’entreprise familiale, en 1850. Et ce, pour une durée de 20 ans !
- (7) Le 23 juin 1851, Hélène Demuth −bonne de la famille− donna naissance à un fils, Henry Frederick (Freddy) Demuth, qu’Engels reconnut pour sauver le mariage de Marx !
- (8) D’où le surnom de "Général" affublé à Engels par Marx et ses proches…
- (9) Dans sa notice nécrologique, Lénine souligna qu’"après son ami Karl Marx (mort en 1883), Engels fut le savant et l’éducateur le plus remarquable du prolétariat contemporain dans le monde civilisé tout entier". Lénine, Œuvres Choisies – Tome 1, Editions du Progrès, Moscou, 1977, page 50.

BIBLIOGRAPHIE
- Œuvres d’Engels
Ecrits de jeunesse [volume 1], Les Éditions Sociales/GEME, Paris, 2015
Ecrits de jeunesse [volume 2], Les Éditions Sociales/GEME, Paris, 2018
La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Éditions Sociales, Paris, 1975
Les principes du communisme, Les Éditions Sociales, Paris, 2020
Anti-Dühring, Éditions Sociales, Paris, 1973
Dialectique de la nature, Éditions Sociales, Paris, 1975
L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, Éditions Sociales, Paris, 1972
La guerre des paysans en Allemagne, Éditions Sociales, Paris, 1974
La question du logement, Éditions Sociales, Paris, 1969
A paraître

- Œuvres de Marx et Engels
Annales franco-allemandes, Les Éditions Sociales/GEME, Paris, 2020
La Sainte Famille, Éditions Sociales, Paris, 1972
L'idéologie allemande, Éditions Sociales, Paris, 1976
Le Manifeste du Parti Communiste, Éditions Sociales, Paris, 1971
La Nouvelle Gazette Rhénane [3 volumes], Éditions Sociales, Paris, 1969-1971
Lettres sur "Le Capital", Éditions Sociales, Paris, 1964
Sur la religion [textes choisis], Éditions Sociales, Paris, 1972
Sur la littérature et l'art [textes choisis], Éditions Sociales, Paris, 1954
Correspondance [12 tomes - Novembre 1835-Octobre 1874], Éditions Sociales, Paris, 1971-1989
Correspondance [tome 13 1875-1880], Les Éditions Sociales/GEME, Paris, 2020
- Biographies/essais
BRUHAT Jean, Marx-Engels, UGE-10/18, Paris, 1971
CLAUDIN Fernando, Marx, Engels et la révolution de 1848, Maspero, Paris, 1980
[Collectif], Souvenirs sur Marx et Engels, Éditions du Progrès, Moscou, 1982
COLLIN Denis, Friedrich Engels, philosophe et savant, Bréal, Paris, 2020
CORNU Auguste, Karl Marx et Friedrich Engels, PUF, Paris, Tome 1, 1955 ; Tome 2, 1958 ; Tome 3, 1962 ; Tome 4, 1970
DELBRACIO Mireille et LABICA Georges (dir), Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, PUF, Paris, 1997
GULLI Florian et QUETIER Jean, Découvrir Engels, Les Éditions Sociales, Paris, 2020
HUNT Tristram, Engels, le gentleman révolutionnaire, Flammarion, Paris, 2009
RIAZANOV David, Marx et Engels, Anthropos, Paris, 1974
ROSDOLSKY Roman, Friedrich Engels et les peuples "sans histoire". La question nationale dans la révolution de 1848, Syllepse [Paris], Page Deux [Lausanne], M Editeur [Montréal], 2018
TEXIER Jacques, Révolution et démocratie chez Marx et Engels, PUF, Paris, 1998
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POLARS EN BARRE [124]
"Avant que j’aie pu esquisser un geste, elle plongea la main dans son sac et en sortit un petit pistolet nickelé qu’elle dirigea sur moi.
Ma première impression ne m’avait pas trompé : cette femme était très dangereuse. Il faisait trop sombre pour que je puisse lire ses intentions dans son regard, mais son intonation laissait deviner une détermination farouche, quasi obsessionnelle, à la limite de l’hystérie.
– Je suis venue pour vous tuer, Baraudy. J’aurais pu le faire tout à l’heure, devant tout le monde, et c’était mon but. Ça m’aurait fait plaisir de vous vider mon chargeur dans le ventre et de vous voir vous tortiller sur ce parquet bien ciré, avec votre belle chemise et votre beau costume blanc souillés de sang et de vomissures, au milieu de vos invités en train de bouffer des petits fours et de boire du champagne…
Pas de doute, j’avais affaire à une cinglée."
Gérard Delteil

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27 novembre 2025
POLARS EN BARRE [123]
"Et il la résume. En huit points qui tombent dans notre pénombre comme autant de chefs d'accusation.
1) Benjamin Malaussène, Contrôle Technique au Magasin, grande boutique piégée depuis sept mois par un tueur inconnu, se trouve présent sur le lieu de chaque explosion.
2) Quand ce n'est pas lui, c'est sa sœur Thérèse.
3) La dénommée Thérèse Malaussène, mineure de dix-sept ans et trois mois, semble avoir prévu le moment et le lieu de la quatrième explosion -détail qui peut intriguer tout fonctionnaire de police rétif à l'astro-logique.
4) Jérémy Malaussène, mineur, 11 ans et dix mois, a incendié son collège au moyen d'une bombe artisanale dont un des composants chimiques au moins à déjà été utilisé par le tueur du Magasin.
5) La topographie du magasin semble singulièrement intéresser la famille, si on en juge par le nombre de photographies trouvées dans le cartable de la cadette des sœurs, Clara Malaussène, 15 ans et huit mois, agrandissements photographiques découverts lors d'une perquisition opérée au domicile de la famille, mandat délivré le..., etc.
6) Le plus jeune des enfants Malaussène rêve depuis des mois "d'ogres Noël ", thématique sinistre qui n'est pas sans rapport avec les photographies (non-moins sinistres) découvertes sur les lieux de la dernière explosion.
7) La grossesse de la sœur Louna Malaussène, 26 ans, infirmière, est à l'origine d'une rencontre entre Benjamin Malaussène et le professeur Léonard, victime de la troisième explosion.
8) Le chien de la famille lui-même (âge et race indéterminés), ne semble pas étranger à l'affaire, victime qu’il fut d'une crise nerveuse sur le lieu d'un des meurtres. (L’analyse des photos découvertes dans les wouataires de l’exposition suédoise, révèle, au moins, sur l'une d'entre elles, la présence d'un chien atteint d'une affection similaire.)"
Daniel Pennac

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26 novembre 2025
POLARS EN BARRE [122]
"Lomron sortit de la salle, alla dans les toilettes et versa son café court sans sucre dans le lavabo. Il se regarda dans la glace. On avait progressé. Le meurtre semblait lié à une affaire de piratage informatique. Mais tu ne sais toujours rien sur la femme aux boucles d’oreille. Il ouvrit sa main. La boucle avait imprégné sa paume. Une blessure en creux. Il pensa à la stigmatisation de saint Thomas. Il vit les chairs pincées sous les électrodes. Les mains, les pieds, le flanc. Les supplications. Lomron sentit revenir les tremblements. Il se passa la tête sous l’eau. Maintenant il avait froid. Il retourna à la salle informatique."
Daniel Picouly

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25 novembre 2025
POLARS EN BARRE [121]
"Un quart d’heure plus tard, la voiture de Meunier s’arrête devant chez Grignard. Il est déjà dans le jardinet. Chapeau gris. Manteau croisé. Il sort. Il vérifie sa boîte à lettres. Il en retire quelques prospectus qu’il consulte en ouvrant la portière. Il se laisse tomber dans la voiture. Petit Boulot a enfilé le veston de Jojo et son couvre-chef. Ça fait la blague pendant quinze secondes, le temps que la chignole démarre. Grignard s’apprête à tempêter. Il relève la tête, n’y comprend rien, regarde dehors les maisons qui défilent et se retourne affolé vers l’arrière :
– Mais qui êtes-vous ?
Couteau sur la gorge. Gargouillis du député. Les paroles ne servent plus à rien. Les mots vont se faire rares. La place est à la violence. On est embringués sur des rails. Action. Maintenant, action. C’est la politique qui avait introduit la parole."
Jean Vautrin

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