04 mars 2015
Oui, Marx !
Karl Marx n’est pas seulement un spectre qui hante (de longue date) le capital, il est également le spectre qui taraude de larges courants de la gauche.
Avec la longue crise globale du capitalisme, l’emprise idéologique du néo-libéralisme, l’effondrement des pays dits du « socialisme réellement existant » ( !), les dérives de la social-démocratie et les impasses d’un certain gauchisme, Marx est devenu un personnage encombrant qu’il convient de délégitimer en le renvoyant dans son époque ou en le rangeant parmi les poussières d’une vieille bibliothèque, aux côtés de Platon, Pascal ou Kant.
Il serait un penseur du passé et dépassé, toléré dans le bagage culturel de l’ «honnête homme » du XXIème siècle, mais certainement pas plus et peut-être moins encore !
Certes, les tentatives de dénaturer Marx -voire de l’enterrer- ne sont pas neuves. Mais elles ont pris, au fil des années, une ampleur impressionnante.
Il est difficile d’ignorer que cette entreprise de dénigrement a été facilitée par des héritiers/épigones qui ont contribué à brouiller son image en façonnant un (des) « marxisme(s) », parfaitement contestable(s) et justement contesté(s). Et les crimes de masse commis en son nom tout au long du siècle précédent n’ont évidemment pas favorisé la perspective d’une réception positive de son œuvre…
Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, Marx est tour à tour enfermé dans des fonctions étroites : un économiste -au même titre que David Ricardo ou Adam Smith- ; un philosophe -simple disciple de Hegel- ; voire un précurseur de la sociologie –discipline qui aurait cependant attendu un Durkheim ou un Weber pour gagner ses véritables lettres de noblesse !
Il y a manifestement plus de réticence à le considérer comme un penseur et un acteur politiques. Pourtant, Marx était d’abord un militant révolutionnaire qui a consacré toute sa vie au combat pour l’émancipation humaine, la libération des exploités et des opprimés.
Des révolutions de 1848 à la Commune de Paris (1871), en passant par la construction d’une Association Internationale des Travailleurs, Marx était au premier rang des luttes de classes de son époque. Il ne fut pas un intellectuel perdu errant dans les travées du British Museum, mais un homme engagé s’efforçant d’articuler la réflexion théorique à l’action concrète.
Cette indispensable et novatrice unité de la théorie et de la pratique reste d’une brûlante modernité au moment où le capitalisme demeure ce mode de production/consommation hégémonique, qui a gardé -au-delà d’un processus de complexification- ses caractéristiques essentielles, pertinemment analysées en son temps par Marx.
Le capitalisme repose plus que jamais sur la propriété privée des moyens de production ; les grandes structures économiques n’appartiennent pas et ne sont pas contrôlées par la collectivité et restent monopolisées par une minorité. La séparation de ces moyens de production d’avec les producteurs persiste. L’accumulation du capital et la course sans fin aux profits maximum continuent d'être le principal mobile de ce système. La concurrence obstinée impose toujours sa férule aux tentatives de coopération plus large. Le despotisme du marché étouffe impitoyablement le déploiement d’une authentique démocratie. La marchandisation est plus généralisée que jamais, touchant jusqu’au « vivant » !
L’actualité de Marx est précisément l’actualité de la critique du capitalisme et l’actualité de la nécessité de rompre avec lui pour éviter que l’humanité ne glisse vers plus de barbarie.
Car le capitalisme -véritable machine de guerre contre les êtres humains et leur environnement- ne peut être ni humanisé ni moralisé.
Le capital est un rapport social d’exploitation qui favorise l’accroissement des inégalités, le développement de la pauvreté, la lutte de tous contre tous, les conflits armés, la destruction des écosystèmes.
Celles et ceux qui ne se résignent pas à contempler le monde mais veulent le changer en profondeur ne peuvent se passer de Marx.
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12 février 2015
Mobilisation sociale canada dry
Les tambours raisonnent, les trompettes sonnent, le front commun syndical vient d’annoncer la reprise de son plan d’actions : des « assemblées d’information », quelques initiatives « ciblées » et… une « concentration de militants à Bruxelles », le 11 mars prochain.
Cela s’appelle avoir le sens du crescendo !
On a envie d’ironiser, mais c’est plutôt la soupe à la grimace.
En novembre-décembre 2014, une manifestation nationale, des grèves générales provinciales et une grève générale nationale n’ont pas réussi à faire dévier Charles Michel Ier de sa trajectoire austéritaire.
Et maintenant, certains voudraient nous faire croire que ce qui est annoncé (discrètement) va ébranler la coalition des droites, après que celle-ci ait engrangé un accord interprofessionnel qui réjouit le patronat (et pour cause !) ?
« Faut-il en rire, faut-il en pleurer, je n’ai pas le cœur à le dire », comme le disait le poète.
La perplexité est franchement de mise.
Attention nous dit-on, ceci n’est qu’une « étape ». Ensuite viendront « si nécessaire » ( !) d’autres actions plus dures, peut-être même « des grèves » !
Mais pourquoi diable attendre et tirer ainsi inutilement la « mobilisation » en longueur ? Dans l’espoir que l’Exécutif fédéral fasse un geste ?
C’est plutôt illusoire au vu des déclarations répétées des excellences ministérielles, en ce y compris Kris Peeters du CD&V, qui a réaffirmé aujourd’hui encore que le saut d’index était inéluctable et qui, menaçant, répète que « les actions syndicales ne pourront pas être des grèves » !
De même que l’on juge un arbre à ses fruits, on évalue une stratégie syndicale à ses résultats.
Car il ne s’agit pas seulement de témoigner pour la postérité. Sauf à n’avoir rien compris aux enjeux, il s’agit de mettre en échec le gouvernement NVA-MR et sa politique de destruction du social.
Le but des actions n’est donc pas seulement de sensibiliser le plus grand nombre ou d’attirer l’attention médiatique. L’objectif des luttes est d’aboutir au retrait du saut d’index, au maintien de l’âge légal de la retraite à 65 ans, au blocage des tentatives de mise en cause des libertés syndicales, à la sauvegarde des services publics, à la préservation de notre système de sécurité sociale, au rejet des politiques fiscales injustes, à un renforcement de la protection des chômeurs, …
Il s’agit aussi de modifier les rapports de forces pour dégager une alternative basée sur une réduction généralisée du temps de travail pour favoriser l’emploi et sur des mesures destinées à aller chercher l’argent là où il se trouve, comme un impôt sur la fortune, une lutte efficiente contre la fuite des capitaux et la fraude fiscale, l’arrêt des cadeaux plantureux au capital (intérêts notionnels).
Il est évident que ce n’est pas simple. Car 40 années de crise, de politiques socialement régressives mises en œuvre par les différents gouvernements, d’échecs successifs et de combats avortés, pèsent sur les consciences et ont affaibli la crédibilité syndicale. D’où un certain désenchantement, le repli de la sphère publique vers la sphère privée, la recherche d’un hédonisme consumériste, la remise en cause des solidarités, …
Mais il n’existe pas d’autre choix que de lutter, et lutter jusqu’au bout pour obtenir gain de cause et changer ainsi la donne.
On peut gagner des batailles que l’on mène mais on perd toujours celles que l’on ne mène pas !
Il n’est pas trop tard pour se ressaisir mais il devient temps.
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22:11 Publié dans Politique | Lien permanent | Facebook | |
11 février 2015
Quelles actions pour quels buts ?
Il y aura donc à nouveau des actions syndicales dans les prochaines semaines !
C’est positif.
Naturellement, il eût été plus cohérent et plus efficace de ne pas casser la dynamique enclenchée fin 2014 !
Mais soit. Inutile ici de ré-écrire l’histoire, même récente.
Toutefois, cette annonce d’une relance des luttes interpelle.
Des actions, oui ; mais lesquelles et pour quels objectifs ?
Car il s’agit d’obliger le gouvernement à battre en retraite et il est douteux qu’il retire ses principales mesures d’austérité parce que le front commun syndical l’exige.
Des actions pour gagner sont donc indispensables, et pas simplement des actions pour canaliser une « base » mécontente ou pour se donner « une bonne conscience du devoir accompli » !
La lucidité commande de dire franchement que quelques manifestations dans les rues de grandes villes belges ou devant des cabinets ministériels, voire une grève générale limitée à 24 heures et proche des vacances d’été, ne suffiront pas pour ébranler cette vigoureuse coalition des droites !
D’autre part, le mouvement syndical doit également clarifier sa position concernant les alternatives qu’il défend face aux politiques néo-libérales.
Des zones d’ombre à lever rapidement sous peine de déconvenues nouvelles.
J’y reviendrai.
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11:03 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
07 février 2015
Difficultés
Il se dit que le front commun syndical est toujours en vie et que des actions pourraient être décrétées de concert dès la semaine prochaine !
Le débat porterait essentiellement sur l’opportunité de nouvelles grèves, une perspective contestée par des responsables de la CSC et de la FGTB.
Mais au-delà de cette discussion tacticienne, l’important est sans doute ailleurs.
Il faut cesser, à gauche, de s’émoustiller à la moindre annonce d’une reprise de la lutte contre Charles Michel Ier, et dire clairement ce qui est : ce gouvernement ne reculera pas devant des pétitions, des « minutes de silence », des manifestations ponctuelles ou des grèves éparpillées ! Pour obtenir le retrait de sa politique musclée de régression sociale, il devra… chuter ! Et cet objectif, qui trouble un sommet syndical soucieux de ne « pas faire de la politique », nécessitera une grève générale prolongée, un mode d’action qui ne sera jamais assumé par les Goblet, Leemans, Bodson, Ska et consorts !
Il n’est d’ailleurs pas certain qu’une telle visée recueille l’aval d’une majorité populaire, car le monde du travail est fortement affaibli par des décennies de crise, d’austérité, de défaites répétées et d’absence d’une perspective politique crédible.
En cas de crise gouvernementale et de retour aux urnes, il est en effet bien difficile de visualiser ce que pourrait être une solution de rechange. Il n’existe ni Syriza ni Podemos en Belgique, ni même en Wallonie. Le PTB, qui a pourtant progressé, dispose de 2 élus sur 150 à la Chambre ! Toute la « gauche », dans le sens vraiment large du terme, c’est-à-dire avec les « écologistes » et les « socialistes », peut actuellement compter sur 50 députés, soit juste 1/3 de la représentation parlementaire fédérale !
C'est dire que le triomphalisme n'est pas de mise.
Il n’est nullement défaitiste d’acter des faits et de prendre la mesure de la réalité des rapports de forces.
La lucidité commande, dès lors, de comprendre qu’il reste un long chemin à parcourir pour se dégager du capitalisme et de ses recettes néo-libérales.
Et une alternative, à la hauteur des enjeux de notre monde et de notre société, ne pourra prendre consistance -ici et maintenant- si la gauche de gauche persiste dans ses querelles et divisions, et si la gauche syndicale reste repliée sur elle-même et s’abstient de toute « audace politique ».
Reste à gérer la tension entre l’urgence d'un changement de direction et la lenteur des processus de recomposition politique.
Un difficile défi à relever pour celles et ceux qui ne renoncent pas à transformer radicalement la vie…
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14:29 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
31 janvier 2015
Cul-de-sac !
Le routinier « groupe des 10 » qui réunit les « partenaires ( !) sociaux » a finalement accouché d’un « accord ».
Minimaliste.
Il n’y aura pas d’augmentation des salaires en 2015 ! Mais en 2016, les secteurs pourront négocier une hausse maximale de 0,5 %. Brute. Soit plus ou moins 0,37 % nette !
Une revalorisation de 2 % des allocations -chômage, pension et invalidité- est également prévue. Plus exactement, les « allocations les plus basses » !
Et la saut d’index ? Il est maintenu, les patrons refusant d’en discuter et le gouvernement réaffirmant qu’il était intangible !
Et la pension à 67 ans ? Pas un mot concernant ce tabou de la coalition des droites !
Le cap décrété par la NVA et le MR est maintenu. Avec sa politique fiscale injuste, mais aussi sa charge contre les services publics et la sécurité sociale !
Les négociateurs de la CGSLB et de la CSC ont cependant approuvé les très maigres « acquis » engrangés dans les discussions, tandis que ceux de la FGTB les rejettent, faute d’avoir pu obtenir une remise en question du choix gouvernemental concernant l’indexation.
A partir du moment où le sommet syndical a mis fin à la mobilisation pour s’engouffrer dans le tunnel de la « concertation sociale », le patronat (et le gouvernement derrière lui) étaient sur du velours.
Dès lors, le dénouement de ce (triste) scénario était prévisible, et d’ailleurs anticipé par de nombreux militants qui connaissent la musique des compromissions délétères.
Foin de langue de bois, il faut donc appeler un chat un chat : il s’agit d’une défaite syndicale. Une de plus, qui vient s’ajouter à tous les revers subis au cours des trois dernières décennies !
C’est grave, car cet épisode consolide un rapport de forces déjà très favorable à la droite.
Demain, Charles Michel et ses pairs hésiteront encore moins à appuyer sur l’accélérateur de la régression.
Gare au prochain « contrôle budgétaire » !
Reste maintenant à vérifier si la « base » va se résigner, ou au contraire taper le poing sur la table et exiger une relance des actions.
Mais rien n’est moins sûr, hélas.
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23:10 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
25 janvier 2015
Coup de tonnerre !
La victoire de Syriza est maintenant confirmée !
Pour la première fois dans l’UE, la gauche de gauche obtient une majorité parlementaire ! Probablement même absolue, mais il faudra attendre la proclamation officielle des résultats pour la confirmation.
Néanmoins, c’est de toute évidence un événement historique doublé d’un immense espoir pour le peuple grec et les peuples européens.
Pour Alexis Tsipras et ses compagnons, le défi est grand et la responsabilité lourde. Car si la Troïka était hier menaçante, demain elle multipliera les pressions effectives pour que Syriza cède et se coule dans le moule de l’austérité dominante. Mais porté par des mobilisations à répétition (et à venir) du peuple grec, et fort de ce succès électoral éclatant, Syriza a les moyens de ne pas s'en laisser compter.
Pour disposer d’un rapport de force encore meilleur, nos amis grecs doivent désormais aussi pouvoir bénéficier de la solidarité active de toutes les forces vraiment à gauche, partout en Europe.
Et une deuxième victoire, celle de Podemos en Espagne, élargirait cette première brèche ouverte dès aujourd’hui.
La rupture avec la tambouille austéritaire peut ainsi enfin trouver un début de concrétisation, et être une source d’inspiration pour toutes celles et tous ceux qui luttent contre la régression dans les différents pays gangrenés par le néo-libéralisme.
Ce n’est qu’un début, le combat continue, disait-on en 1968. Ce n’est en tous les cas qu’un premier pas dans une nouvelle configuration et un nouveau rapport de forces ; la confrontation avec le capital commence sur d’autres bases.
A notre plus grande satisfaction.
Pour l'heure, je suis, nous sommes Syriza !
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23:28 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
17 décembre 2014
Concertation rime avec démobilisation !
Au lendemain de la grève générale (réussie !) du 15 décembre, les secrétaires généraux de la FGTB et de la CSC ont accordé un entretien au journal L’Echo. Pour confirmer que le sommet syndical veut se mettre autour de la table avec le patronat et le gouvernement. Et pour démontrer sa réelle bonne volonté, il a été décidé de… temporiser !
« On est dans l’optique de donner la chance à la négociation » (Marc Goblet), « On ne demande pas la lune » (Marie-Hélène Ska). Un nouveau « plan d’action » ne sera défini qu’au mois de janvier… si nécessaire, c’est-à-dire seulement en cas d’échec de la concertation à venir !
Cette tentative d’atterrissage ne constitue pas véritablement une surprise mais elle n’en demeure pas moins condamnable.
Car, en réalité, rien n’a changé !
Charles Michel a ré-affirmé qu’il n’était pas question de modifier le programme de sa coalition : le saut d’index et l’âge de la retraite à 67 ans sont maintenus ; il n’y aura pas de new deal fiscal, ni impôt sur la fortune, ni taxation du capital ni abandon des intérêts notionnels ; les services publics et la sécurité sociale demeureront enfermés dans la tourmente des « économies indispensables » ; et aucun geste positif ne sera posé pour les milliers de chômeurs qui vont être exclus du chômage dès le 1er janvier prochain !
De quoi nos brillants stratèges vont-ils donc pouvoir discuter ?
La réponse est claire : au mieux, de quelques modalités d’application des mesures gouvernementales !
Tout cela pour cela, serait-on tenté de crier…
Naturellement, les dirigeants syndicaux ne pourront revenir vers leurs instances avec des résultats probants, dans quelques semaines. Mais le mal aura été fait : la dynamique des luttes freinée et les premiers volets de la loi programme du gouvernement votées par sa majorité parlementaire. Il restera alors à constater les dégâts et à concrétiser de nouvelles actions. A contretemps, après que le monde du travail ait été mis devant le fait accompli, obligé de courir après des décideurs qui avancent vite et résolument.
Et puis quel plan d’action pour quels objectifs à ce moment ? A nouveau une séquence manifestation nationale/ grèves tournantes/ grève générale de 24 heures ? A moins de balancer l’une ou l’autre étape : manifestation nationale/grève générale ou grèves tournantes/manifestation nationale ou seule grève générale en guise de baroud de (dé-)honneur ? Pourquoi pas, tant que nous y sommes, une minute de silence ou le dépôt d’une couronne de fleurs au monument du syndicaliste inconnu ?
Ces lignes sont délibérément grinçantes mais on ne peut qu’être consterné par le gâchis en préparation. Apparemment, aucune leçon n’a été tirée des échecs subis au cours des trente dernières années. Un nouveau revers accentuerait pourtant un désarroi populaire déjà trop évident et hypothéquerait une fois de plus des rapports de forces déjà compromis dans le passé !
Le sursaut ne doit pas être attendu de la part de « responsables » ou d’appareils syndicaux pour qui la concertation est l’alpha et l’omega du destin de la société. La solution ne pourra émerger que « d’en bas », portée par les militants et les travailleurs.
Sera-ce encore possible devant tant d’obstacles dressés par les uns et les autres ?
L’avenir nous le dira. Rapidement, car 2014 termine déjà sa trajectoire.
2015 sera l’année du renouveau social ou d’une nouvelle capitulation syndicale. Il dépend maintenant de chacun de nous de faire basculer le plateau de la balance d’un côté ou de l’autre…
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14 décembre 2014
La croisée des chemins
La CGSP a déposé un préavis de grève à durée illimitée à partir du 16 décembre, le congrès de la Centrale Générale demande une amplification du mouvement, mais le patron francophone de la FGTB redoute que le mouvement « parte dans tous les sens « ! Marie-Hélène Ska, pour la CSC, répète que son organisation respectera le calendrier prévu et tirera un premier bilan le lendemain de la grève générale nationale, tandis que son président -Marc Leemans- n’exclut rien, y compris une « nouvelle grève générale ».
La mobilisation syndicale devrait donc se poursuivre après le 15 décembre et au début de l’année 2015. Mais pour combien de temps et pour quels objectifs ?
Une interrogation légitime confortée par des déclarations surprenantes, telle celle de Marc Goblet soulignant que son organisation ne demandait pas le « retrait » des mesures gouvernementales, mais leur « suspension », afin de pouvoir « négocier », alors que la secrétaire générale du syndicat chrétien, sur les plateaux de RTL-TVI, abondait dans le même sens et précisait sans sourciller que la CSC n’exige pas « le retrait du saut d’index » de la part d’un gouvernement considéré comme… « légitime » !
Négocier, le mot est lâché. Car le but des principaux responsables syndicaux est effectivement d’en revenir à une « vraie concertation » ( !), d’abord avec les « employeurs », et ensuite avec le gouvernement.
Mais, concrètement, pour obtenir quoi ?
Les priorités syndicales affichées officiellement sont connues : pas d’allongement supplémentaire des carrières ; maintien de l’index et liberté de négociation des salaires ; consolidation des services publics et de la sécurité sociale ; justice fiscale ; emploi ; préservation des droits syndicaux.
Les priorités de la coalition NVA-MR le sont tout autant, et elles prennent le strict contrepied des préoccupations syndicales : retraite à 67 ans et dé-tricotage accru des systèmes de pré-pensions ; saut d’index ; gel des salaires ; réductions des cotisations patronales qui réduiront encore le financement de la Sécu ; économies drastiques dans les services publics ; TVA et accises en hausse, mais ni impôt sur la fortune ni suppression des intérêts notionnels ; remise en cause du droit de grève.
Difficile d’imaginer une réconciliation à partir d’exigences aussi contradictoires, d’autant que cette majorité très à droite ne veut rien concéder !
L’inévitable épreuve de force ne pourra déboucher que sur deux issues : une défaite de la coalition nationale-libérale ou une défaite du mouvement syndical !
Mais les syndicats ne pourront pas gagner sans une clarification stratégique, et les déclarations contradictoires de leurs porte-parole ne rassurent pas…
Les dirigeants de la CSC et de la FGTB doivent cesser d’entretenir l’illusion qu’il est possible de contraindre l’équipe Michel-De Wever à reculer. Celle-ci ne retirera pas les principales mesures de son catalogue des horreurs. Mettre en échec ce gouvernement aux accents « thatchériens » passe(ra) obligatoirement par son renversement. Une perspective qui devrait être revendiquée ouvertement, mais qui est esquivée par des responsables qui ont peur d’être accusés de « faire de la politique » !
Il faudra beaucoup plus qu’une manifestation, quelques grèves tournantes et une grève générale limitée à 24 heures, pour aboutir. Sans une grève générale « jusqu’au bout », ce gouvernement poursuivra son offensive. Il faut le dire et le répéter clairement, même si une telle perspective reste extrêmement difficile à concrétiser (entre autre parce qu’il est douteux que le sommet syndical s’engage dans cette voie, périlleuse car potentiellement incontrôlable par les appareils).
Par ailleurs, la chute du gouvernement et des élections anticipées posent la question des solutions de rechange. Or, le PS, qui reste un « relais » privilégié de la bureaucratie syndicale, assume depuis de nombreuses années les politiques d’austérité et s’incline devant les diktats d’une UE néo-libérale qu’il a contribué à façonner ! Et en matière d’alternative à l’alternance, celle préconisée par les états-majors syndicaux reste floue…
La chute du gouvernement est pourtant la priorité des priorités. Celle-ci représenterait un grand succès pour les travailleurs, avec des répercussions psycho-sociales positives pour les combats du futur. Ce serait aussi un fameux avertissement pour toutes les coalitions à venir, quelle que soit leur composition. Un tel événement aurait également un retentissement par delà nos frontières. Démonstration serait ainsi faite qu'il est possible de gagner contre un Exécutif austéritaire par une lutte sans concessions.
Face à des tels enjeux, il n’est donc nullement surprenant que le patronat, le gouvernement et les grands médias à leur service mettent tout en œuvre pour faire échouer ce mouvement social. De l’intoxication idéologique aux menaces transparentes contre les libertés syndicales. Sont ici ciblées la grève et ses modalités d’organisation, notamment les piquets et les actions de blocage d’accès routiers. La volonté exprimée est dénuée d’ambiguïté : il s’agit de désarmer définitivement le mouvement syndical, afin que celui-ci ne soit plus qu’un couteau sans lame.
L’heure n’est dès lors pas à la tergiversation. Il est essentiel de « mettre le paquet » tant qu’il est encore possible de déployer toutes les ressources à la disposition du monde du travail. Une course contre la montre s’engage dès maintenant. La perdre serait lourde de conséquences pour toute une période. Une issue qui peut être évitée en ne lâchant rien et en accentuant encore la pression dans les prochains jours.
Dès le 16, il sera ainsi indispensable de multiplier les actions pour rester « chauds » durant la période démobilisatrice des fêtes de fin d’année. Ensuite, en janvier 2015, il faudra repartir dans un mouvement ininterrompu de grèves jusqu’à la victoire.
Ce ne sera pas simple mais c’est le prix à payer pour éviter un catastrophique revers.
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