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08 décembre 2018

"Grand baromètre" du Soir : un éparpillement qui annonce de longues nuits de négociation !

Il est évidemment préférable de voir le PTB et Ecolo progresser, plutôt que le MR ou la NVA ! Toutefois, si les élections du 26 mai devaient confirmer ce sondage et cette projection en sièges au Parlement fédéral  -ce qui est loin d’être certain, car six mois c’est long et la campagne peut toujours être bousculée par l’imprévisible !-,  force est de constater que les négociations post-électorales seront mouvementées !

La coalition actuelle (NVA-MR-OPEN VLD-CD&V) perd sa majorité : 70 députés sur 150 ! Qu'elle pourrait regagner avec l’appui du CDH , qui jure pourtant ses grands dieux qu’il ne s’associera jamais avec le parti de Bart De Wever. Mais nous n'avons pas oublié que c’est exactement ce qu’avaient déclaré les ténors du MR avant les législatives de 2014 ! Avec le résultat que l’on sait…

Il n’existe cependant pas d’alternative «à gauche» : même si on considère que celle-ci comprend les écologistes, les socialistes et le PTB-PVDA, on arrive à… 59 sièges, moins encore que la majorité sortante !

Et une tripartite traditionnelle (socialistes, libéraux, CDH et CD&V) ? Elle aurait une courte majorité : 76 élus, ce qui est un peu juste pour une législature d’une durée de 5 ans !

Maintenant des formules « inédites » sont à nouveau possibles (socialistes avec la NVA, un scenario exclu par Paul Magnette  -également en désaccord avec son président sur ce point-  mais…) !

Et puis surtout, ne perdons pas de vue l’impact de la formation des coalitions dans les entités fédérées et ses inévitables effets collatéraux…

Bref, la constitution d’un prochain gouvernement fédéral s’annonce mouvementée. Comme toujours… Pas sûr que le peuple s’y retrouve. Comme toujours aussi…

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PS : l'extrême-droite (PP et VB) totaliserait pour sa part 11 sièges. Et si l'on devait suivre celles et ceux qui considèrent que la NVA est, aujourd'hui, également un parti de cette nature, l'on arrive à... 40 sièges de députés (38 pour la seule Flandre !). Pas de quoi pavoiser, naturellement !

 

 

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[Projection réalisée par Pascal Delwit, ULB]

 

 

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05 décembre 2018

Parfum de crise

 

Crise ou pas crise ? Gouvernement d’affaires courantes ou gouvernement de plein exercice ? Peu importe. Il y aura élections -au pluriel !- en mai 2019, et tous les partis sont en campagne (au moins) depuis le scrutin communal du mois d’octobre !

Celui-ci est d’ailleurs pour beaucoup dans les tensions actuelles car les quatre formations du gouvernement fédéral ont été sanctionnées, à commencer par la NVA et le MR. La fébrilité des uns et des autres est patente et leur volonté de se recentrer sur leur « core business » évidente.

Ainsi, la NVA, parti nationaliste, raciste et xénophobe, qui a souvent essayé de camoufler sa véritable nature, revient maintenant ouvertement à son ADN politique. Les progrès récents du Vlaams Belang ne sont pas étrangers à ce coup de barre, illustré hier par une campagne sur les réseaux sociaux aux visuels ouvertement fascisants ! Un positionnement que Bart De Wever estime sans doute payant dans la perspective de la grande joute du 26 mai prochain…

Le MR n’est pas en reste. Lui qui s’est perdu avec ce parti après avoir juré qu’il ne le ferait jamais, lui qui est le seul parti francophone dans ce gouvernement à large majorité néerlandophone, lui qui a pris un grand coup sur la tête le 14 octobre dernier, lui qui ne cesse de voir son image se dégrader -pas seulement à cause de cette association trouble mais aussi et surtout à cause de la politique de régression en matière sociale et environnementale endossée par son premier ministre !- doit d’urgence se refaire la cerise. Et il ne veut manifestement pas rater l’occasion de montrer qu’il reste un parti « humaniste », respectueux des « engagements internationaux » de la Belgique, et suffisamment viril pour résister politiquement aux diktats de la bande à Francken !

On doute cependant que cela soit suffisant. Car les dirigeants libéraux vont partout clamer que le bilan de cette majorité est quand même excellent et que les réformes qui devaient être menées ont bien été concrétisées ! Ils devront donc assumer la politique de Saint Nicolas en faveur des grandes entreprises, le saut d’index et la lourde fiscalité pour « ceux d’en bas »  -notamment le passage de la TVA sur l’électricité de 6 à 21 %, ou la hausse continue des prix des carburants !- , les économies dans la Sécu qui rendent plus chers les soins de santé, ou la poursuite du détricotage des services publics…

A voir comment le mouvement des Gilets Jaunes français a commencé à déborder nos frontières, pas sûr qu’il pourra gagner encore une adhésion suffisante à son maintien aux affaires !

Aux électeurs et aux électrices de ne pas avoir la mémoire courte dans quelques mois.

Et rien n’interdit au mouvement syndical d’enfin mettre son poids social dans le combat contre les politiques libérales que nous subissons depuis trop longtemps.

Peut-être que la mobilisation ascendante contre le dérèglement climatique observée dimanche dernier, et la colère « jaune » contre la dégradation des conditions de vie observée quotidiennement, « boostera » des élites syndicales en plein désarroi stratégique ?

Peut-être …

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02 décembre 2018

Marx dans le texte (19)

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« Nous avons vu comment l'argent devient capital, le capital source de plus-value, et la plus-value source de capital additionnel. Mais l'accumulation capitaliste présuppose la présence de la plus-value et celle-ci la production capitaliste qui, à son tour, n'entre en scène qu'au moment où des masses de capitaux et de forces ouvrières assez considérables se trouvent déjà accumulées entre les mains de producteurs marchands. Tout ce mouvement semble donc tourner dans un cercle vicieux, dont on ne saurait sortir sans admettre une accumulation primitive (previous accumulation, dit Adam Smith) antérieure à l'accumulation capitaliste et servant de point de départ à la production capitaliste, au lieu de venir d'elle.

Cette accumulation primitive joue dans l'économie politique à peu près le même rôle que le péché originel dans la théologie. Adam mordit la pomme, et voilà le péché qui fait son entrée dans le monde. On nous en expliqué l'origine par une aventure qui se serait passée quelques jours après la création du monde.

De même, il y avait autrefois, mais il y a bien longtemps de cela, un temps où la société se divisait en deux camps : là, des gens d'élite, laborieux, intelligents, et surtout doués d'habitudes ménagères; ici, un tas de coquins faisant gogaille du matin au soir et du soir au matin. Il va sans dire que les uns entassèrent trésor sur trésor, tandis que les autres se trouvèrent bientôt dénués de tout. De là la pauvreté de la grande masse qui, en dépit d'un travail sans fin ni trêve, doit toujours payer de sa propre personne, et la richesse du petit nombre, qui récolte tous les fruits du travail sans avoir à faire oeuvre de ses dix doigts.

L'histoire du péché théologal nous fait bien voir, il est vrai, comme quoi l'homme a été condamné par le Seigneur à gagner son pain à la sueur de son front; mais celle du péché économique comble une lacune regrettable en nous révélant comme quoi il y a des hommes qui échappent à cette ordonnance du Seigneur.

Et ces insipides enfantillages, on ne se lasse pas de les ressasser. M. Thiers, par exemple, en ose encore régaler les Français, autrefois si spirituels, et cela dans un volume où, avec un aplomb d'homme d'État, il prétend avoir réduit à néant les attaques sacrilèges du socialisme contre la propriété. Il est vrai que, la question de la propriété une fois mise sur le tapis, chacun se doit faire un devoir sacré de s'en tenir à la sagesse de l'abécédaire, la seule à l'usage et à la portée des écoliers de tout âge.

Dans les annales de l'histoire réelle, c'est la conquête, l'asservissement, la rapine à main armée, le règne de la force brutale, qui l'a toujours emporté. Dans les manuels béats de l'économie politique, c'est l'idylle au contraire qui a de tout temps régné. A leur dire il n'y eut jamais, l'année courante exceptée, d'autres moyens d'enrichissement que le travail et le droit. En fait, les méthodes de l'accumulation primitive sont tout ce qu'on voudra, hormis matière à idylle.

Le rapport officiel entre le capitaliste et le salarié est d'un caractère purement mercantile. Si le premier joue le rôle de maître et le dernier le rôle de serviteur, c'est grâce à un contrat par lequel celui-ci s'est non seulement mis au service, et partant sous la dépendance de celui-là, mais par lequel il a renoncé à tout titre de propriété sur son propre produit. Mais pourquoi le salarié fait-il ce marché ? Parce qu'il ne possède rien que sa force personnelle, le travail à l'état de puissance, tandis que toutes les conditions extérieures requises pour donner corps à cette puissance, la matière et les instruments nécessaires à l'exercice utile du travail, le pouvoir de disposer des subsistances indispensables au maintien de la force ouvrière et à sa conversion en mouvement productif, tout cela se trouve de l'autre côté.

Au fond du système capitaliste, il y a donc la séparation radicale du producteur d'avec les moyens de production. Cette séparation se reproduit sur une échelle progressive dès que le système capitaliste s'est une fois établi; mais comme celle-là forme la base de celui-ci, il ne saurait s'établir sans elle. Pour qu'il vienne au monde, il faut donc que, partiellement au moins, les moyens de production aient déjà été arrachés sans phrase aux producteurs, qui les employaient à réaliser leur propre travail, et qu'ils se trouvent déjà détenus par des producteurs marchands, qui eux les emploient à spéculer sur le travail d'autrui. Le mouvement historique qui fait divorcer le travail d'avec ses conditions extérieures, voilà donc le fin mot de l'accumulation appelée « primitive » parce qu'elle appartient à l'âge préhistorique du monde bourgeois.

L'ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l'ordre économique féodal. La dissolution de l'un a dégagé les éléments constitutifs de l'autre.Quant au travailleur, au producteur immédiat, pour pouvoir disposer de sa propre personne, il lui fallait d’abord cesser d'être attaché à la glèbe ou d'être inféodé à une autre personne; il ne pouvait non plus devenir libre vendeur de travail, apportant sa marchandise partout où elle trouve un marché, sans avoir échappé au régime des corporations, avec leurs maîtrises, leurs jurandes, leurs lois d'apprentissage, etc. Le mouvement historique qui convertit les producteurs en salariés se présente donc comme leur affranchissement du servage et de la hiérarchie industrielle. De l*autre côté, ces affranchis ne deviennent vendeurs d'eux-mêmes qu'après avoir été dépouillés de tous leurs moyens de production et de toutes les garanties d'existence offertes par l'ancien ordre des choses. L'histoire de leur expropriation n'est pas matière à conjecture - elle est écrite dans les annales de l'humanité en lettres de sang et de feu indélébiles.

Quant aux capitalistes entrepreneurs, ces nouveaux potentats avaient non seulement à déplacer les maîtres des métiers, mais aussi les détenteurs féodaux des sources de la richesse. Leur avènement se présente de ce côté-là comme le résultat d'une lutte victorieuse contre le pouvoir seigneurial, avec ses prérogatives révoltantes, et contre le régime corporatif avec les entraves qu'il mettait au libre développement de la production et à la libre exploitation de l'homme par l'homme. Mais les chevaliers d'industrie n'ont supplanté les chevaliers d'épée qu'en exploitant des événements qui n'étaient pas de leur propre fait. Ils sont arrivés par des moyens aussi vils que ceux dont se servit l'affranchi romain pour devenir le maître de son patron.

L'ensemble du développement, embrassant à la fois le genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs; le progrès qu'il accomplit consiste à changer la forme de l'asservissement, à amener la métamorphose de l'exploitation féodale en exploitation capitaliste. Pour en faire comprendre la marche, il ne nous faut pas remonter trop haut. Bien que les premières ébauches de la production capitaliste aient été faites de bonne heure dans quelques villes de la Méditerranée, l'ère capitaliste ne date que du XVI° siècle. Partout où elle éclot, l'abolition du servage est depuis longtemps un fait accompli, et le régime des villes souveraines, cette gloire du moyen âge, est déjà en pleine décadence.

Dans l'histoire de l'accumulation primitive, toutes les révolutions qui servent de levier à l'avancement de la classe capitaliste en voie de formation font époque, celles, surtout qui, dépouillant de grandes masses de leurs moyens de production et d'existence traditionnels, les lancent à l'improviste sur le marché du travail. Mais la base de toute cette évolution, c'est l'expropriation des cultivateurs.

Elle ne s'est encore accomplie d'une manière radicale qu'en Angleterre : ce pays jouera donc nécessairement le premier rôle dans notre esquisse. Mais tous les autres pays de l'Europe occidentale parcourent le même mouvement, bien que selon le milieu il change de couleur locale, ou se resserre dans un cercle plus étroit, ou présente un caractère moins fortement prononcé, ou suive un ordre de succession différent. »

 

[Karl Marx, Le Capital, Livre 1, 1867 - Traduction Joseph Roy revue par l'auteur]

 

 

 

 

 

 

 

 

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02 novembre 2018

Le PS fidèle... à la droite !

drapeaurouge1.gifToutes les «négociations» pour constituer des «majorités de gauche», dans les communes où il était théoriquement possible d'aboutir, ont échoué !

Négociations avec des guillemets grands comme l'Atomium évidemment, car les dés étaient pipés dès le début. Le PS voulait la continuité avec ses pratiques et ses choix politiques passés. Il ne pouvait donc pas s'associer avec un parti exigeant des ruptures et tourné vers un autre avenir, comme le PTB. Ce dernier -lui- n'avait d'ailleurs pas l'intention d'abandonner ses engagements de la campagne et il ne souhaitait pas se perdre dans la traditionnelle tambouille politicienne qui sied tant aux vieilles formations, historiquement en déclin.

Dernière embardée en date : Liège ! Le bourgmestre sortant, Willy Demeyer, a joué son (mauvais) coup en deux temps : il s'est d'abord débarrassé de Raoul Hedebouw et ses camarades, à l'issue de trois «tours de table», avant de précipiter le CDH et Vert Ardent (Ecolo, relooké pour la circonstance) dans l'opposition, afin de pouvoir renouer avec ses vieux complices du MR ! L'équipe gagnante -de sous !- de Publifin est ainsi reconstituée, à l'image de l'habituelle majorité provinciale.

Le MR semble décidément être le «maître achat» du PS. A Molenbeek aussi, après les gesticulations médiatiques de Catherine Moureaux, seront célébrées les retrouvailles des deux partis. Bien que battue, la formation d'Olivier Chastel gardera donc de nombreux strapontins dans de nombreuses villes grâce à l'habileté manoeuvrière des troupes du madré Di Rupo.

Pour que rien ne change il faut... que rien ne change !

Cet épisode post-électoral illustre bien l'éternel jeu de dupes d'un petit monde où les renvois d'ascenseur sont fréquents et où les associations «contre nature» sont monnaie courante... Assurément, un avant-goût de ce qui risque de se produire après les élections du 26 mai 2019 !

Car, dans l'état actuel des rapport de forces -avec un PS avide de pouvoir et infecté par le libéralisme, et avec des amis syndicalistes qui grondent seulement le temps d'un buzz-, la politique de collaboration de classes a encore de beaux jours devant elle. A la plus grande satisfaction des dominants, faut-il le préciser !

Puissent les citoyens/électeurs en être conscients et tirer les conclusions qui s'imposent dans quelques mois...

 

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 DISCREDITER LE CHANGEMENT !

 

Parmi les reproches adressés au PTB figure le caractère «irréaliste» de son programme. Un grand classique des tenants du désordre établi, repris hélas par nombre de personnes intoxiquées par ce discours rituel matraqué à l'encontre de tout qui propose des changements.

Les «promesses» du parti de la «gauche radicale» seraient donc impossibles à mettre en oeuvre car elles coûteraient trop à la collectivité ! L'exemple de la «gratuité des bus» préconisée par le PTB est ainsi souvent brocardé par ses détracteurs...

C'est vraiment étrange. Dans cette société, mettre en avant des revendications favorables aux salariés, aux allocataires sociaux, aux plus pauvres est toujours une hérésie financière. Mais quand il s'agit de mesures en faveur des puissants, alors tout redevient miraculeusement possible. Des réductions de cotisations patronales ? No problemo ! Des mécanismes fiscaux profitables aux grandes entreprises, comme les «intérêts notionnels» ? No problemo ! Entraver la lutte contre la fuite des capitaux ou bloquer toute perspective d'un impôt sur la fortune ? No problemo ! Trouver des milliards pour acheter des engins de mort, avions ou blindés ? No problemo !

En réalité, il n'existe pas de problèmes de «moyens» dans un pays aussi riche. Il n'existe que des choix politiques ! Et, actuellement, ceux-ci correspondent le plus souvent aux intérêts des privilégiés de l'oligarchie !

Face aux donneurs de leçons qui ronchonnent quotidiennement, face aux admirateurs du système qui répètent en boucle qu'il faut être «raisonnable» et qu'il n'est pas sérieux de vouloir sortir des clous budgétaires -imposés notamment par l'Union européenne-, face aux larbins qui radotent au sujet de la mise en danger de «notre compétitivité», rien de doit être cédé !

L'art d'une politique alternative est précisément de rendre possible ce qui est indispensable, sur le plan social ou sur celui de la transition écologique. Ce qui nécessite de mettre fin aux décisions coûteuses en faveur d'une minorité de nantis ! Ce qui implique d'effectuer d'autres choix que ceux mis en oeuvre depuis des décennies !

Et c'est justement ce que propose le PTB, ce qui explique sans nul doute l'opération de dénigrement orchestrée de concert par les médias et le landerneau politique...

Autre grief : le PTB serait trop intransigeant et rétif à tout compromis. Une peu surprenante réprimande de la part des champions de la compromission et des arrangements entre petits amis pour se partager les avantages «du pouvoir» ! Qu'un parti s'efforce de rester fidèle aux engagements pris devant l'électorat, qu'un parti veuille mettre en adéquation ses paroles et ses actes, qu'un parti refuse de renier ses perspectives transformatrices, -patatras- voilà qui est inconcevable !

Il est maintenant urgent de mettre fin à la doxa thatchérienne du TINAThere is no alternative/ Il n'existe pas d'alternative» -au capitalisme, s'entend !-) et d'ouvrir la voie aux solutions de rechange. A tous les niveaux, naturellement : du régional à l'Europe, sans oublier le fédéral. Ce qui devra passer aussi par un renversement de table électoral.

Il n'y aura aucune raison de s'en priver en mai 2019...

 

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29 octobre 2018

La FGTB en quête d'un "débouché politique"

manif fgtb.jpgLa FGTB organisera une «journée nationale d'action» avant le 15 décembre.

Je vais me répéter -et cela devient lassant, j'en conviens-, cette traditionnelle mobilisation ponctuelle -à quelques jours de la fête de Noël, des congés scolaires et du passage à l'an neuf- ne fera pas frémir le gouvernement fédéral !

A l'évidence, le sommet du syndicat «socialiste» occupe le terrain à la «va comme je te pousse» en attendant que tombe le couperet du méga-scrutin de mai 2019. Tout en croisant les doigts pour que l'actuelle majorité, articulée autour de la NVA/MR, devienne minoritaire au lendemain de ces élections !

Avec quelle perspective en terme d'alternance (je n'ose écrire alternative) ? Cela reste nébuleux même si l'état-major syndical s'agite beaucoup, dans les médias, autour de la thématique d'un «gouvernement progressiste», c'est-à-dire une coalition rassemblant le PS, Ecolo et le PTB...

Thierry Bodson avait lancé des appels explicites en ce sens avant les «communales» du 14 octobre. Et maintenant, Robert Verteneuil tape du poing sur la table suite à l'échec -prévisible !- de la constitution de telles majorités dans un certain nombre de villes tests. Il exige même -en pure perte, faut-il le dire !- que les négociations reprennent entre ces trois familles, actuellement peu disposées à sceller leur union...

 

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Devant cette difficulté patente, Jean-François Tamellini, secrétaire fédéral, lance un ballon d'essai sur les réseaux sociaux. Construire une « liste citoyenne » qui s'appuierait sur une « plate-forme programmatique », à élaborer par toutes les volontés motivées qui ne se reconnaissent pas dans l'offre électorale actuelle !

Une telle initiative aurait sans doute été un peu plus crédible si elle avait été lancée au lendemain de la constitution du gouvernement Michel plutôt qu'à quelques mois d'une nouvelle campagne électorale ! Aujourd'hui, on ne sait trop s'il faut parler d'improvisation ou de diversion ...

Et puis, quel programme ? Jean-François Tamellini suggère quelques pistes en des termes si généraux qu'il est difficile de se prononcer en négatif. Il évoque la nécessité de «mettre la priorité sur l'humain et la planète» mais, de nos jours, c'est ce que préconisent tous les partis, ne fut-ce qu'en paroles !

Il avance quelques mesures comme la «réduction généralisée du temps de travail», l' «égalité hommes-femmes» ou la «transition énergétique», mais on ne comprend pas en quoi ce type de revendications se distingue du programme proposé par le PTB, par exemple !

Naturellement, il s'agit simplement d'amorcer la discussion. Mais pourrait-elle vraiment déboucher sur autre chose qu'un «programme commun minimum» qui laisse toutes les questions qui fâchent de côté ? Ainsi, la question européenne, une problématique essentielle car il est illusoire de vouloir mettre en oeuvre une autre politique dans le cadre du carcan néo-libéral actuel, sans rompre avec la construction européenne réellement existante, avec ses traités balisant une trajectoire austéritaire, avec ses pratiques bureaucratiques et avec ses dérives antidémocratiques.

Jean-François Tamellini insiste pourtant en brandissant un argument d'autorité : beaucoup d'électeurs ne votent plus ou ne sont pas disposés à soutenir des partis comme Ecolo, le PS ou le PTB ! C'est certain. Mais pourquoi ces personnes sortiraient-elles de leur abstentionnisme ou de leur scepticisme pour se rallier inopinément à un vote rêves.jpgmouvement surgi de nulle part, qui apportera sa contribution décomplexée à l'éclatement déjà grand de notre paysage politique, et qui par ailleurs défendra probablement des orientations politiques déjà développées par d'autres ?

En politique, il n'existe pas de raccourci. Il ne suffit pas d'un peu d'imagination, de beaucoup de volontarisme ou d'une poignée de poudre de perlimpinpin pour faire émerger d'un trou noir démocratique une solution de rechange rêvée !

En plus de temps et d'énergie militante, impossible de se passer d'un solide programme. Et ce sont précisément les divergences en matière de projets politiques qui ont empêché la concrétisation de «majorités de progrès» là où il était mathématiquement possible de tenter de les réaliser. Ensuite, comme il se doit dans le milieu politicien, cette perspective a été torpillée par des manoeuvres dont le PS et son futur président, Paul Magnette, ont le secret...

Forcément, ces péripéties n'incitent guère à l'optimisme. Mais inutile de se cacher derrière son petit doigt, inutile de se complaire dans une langue de bois éprouvée, inutile de se raconter des histoires : sauf un formidable renversement de table en mai 2019 (totalement improbable à cette heure), il n'existe pas d'issue enthousiasmante... à court terme !

Comme je l'ai déjà souligné sur ce blog, aucune majorité alternative n'est pour le moment envisageable à la Chambre. Sur la base des dernières projections, PS-SPA-ECOLO-GROEN-PVDA-PTB pourraient obtenir 55 sièges, sur un total de... 150 ! Même si les conditions politiques étaient réunies pour une association inédite, former un gouvernement fédéral «de gauche» serait donc impossible...

Ce qui n'est pas le cas au niveau de la Wallonie. Mais ici on en revient au scénario des lendemains de l'élection du 14 octobre, avec le risque identique d'un blocage persistant, pour cause d'incompatibilité programmatique et pour cause d'ostracisme d'Ecolo et du PS vis-à-vis des «extrémistes» du PTB (les quelques négociations en trompe l'oeil orchestrées habilement par Moureaux, Magnette and C° ne doivent pas nous leurrer).

RH.jpgSeul un véritable changement du rapport de forces en faveur du parti de Raoul Hedebouw pourrait commencer à changer la donne. Mais, et on en revient à la FGTB, une mobilisation sociale bien plus consistante et bien plus contraignante que celle que nous avons connue ces dernières années sera également indispensable. Car il n'y a pas que le MR ou la NVA qui méritent des coups de pied au c... Les camarades du Boulevard de l'Empereur ont également besoin d'être secoués par les camarades de l'Action commune socialiste, si celle-ci souhaite réellement soutenir un exécutif nouveau porteur de politiques de rupture.

A défaut, ce sera la relance des coalitions avec la droite, telles que nous les avons connues durant un quart de siècle, avec leur cortège de régression sociale, de reculs démocratiques et de choix productivistes désastreux pour l'espèce humaine...

Reste à déterminer maintenant -mais c'est un vaste débat que je n'engage pas ici, en tout cas pas pour l'instant- si un rassemblement d'étiquettes (parfois discréditées) ou la construction d'une variante d' «union des gauches» constituent bien -à long terme- une solution politique de rechange crédible et durable, alors qu'il y a un rejet grandissant du «système» et de toutes ses «élites»...

 

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19 octobre 2018

Le succès du PTB

Les soirées électorales ont une particularité en Belgique : beaucoup de responsables politiques sont invités à s'exprimer et, finalement, il en ressort que tout le monde a gagné ! Il faut croire que la totalité des votes exprimés n'égale pas 100 % mais 150 % ! Et puis, l'avantage d'un scrutin local est qu'il y a autant d'élections que de communes : 589. Il est donc toujours possible de s'appuyer sur tel ou tel «bon résultat » pour crier victoire...

Chacun a naturellement le droit d'avoir sa recette pour se remettre d'une gueule de bois post-électorale, méthode Coué y comprise. Mais les faits sont têtus : ce 14 octobre, les trois familles politiques traditionnelles se sont tassées, pour le dire gentiment. Et ce sont les écologistes et le PTB qui ont marqué des points en accumulant des voix et des sièges.

Certes, parler de «raz de marée», comme de nombreux commentateurs, est peut-être un tantinet exagéré. Ces formations n'ont pas obtenu la majorité absolue et ne sont pas les premières du pays ou des entités fédérées respectives. Mais leurs progrès sont nets et incontestables, et personne ne les conteste vraiment, pas même leurs concurrents.

Il faut toutefois établir une distinction entre le «succès» des «Verts» et celui des «Rouges».

Ecolo est un parti déjà «installé». Il était partie prenante de plusieurs majorités communales -et parfois non des moindres, comme à Namur «capitale de la Wallonie»- et il disposait même de bourgmestres. Ce n'est pas le cas du PTB, évidemment. De plus, ce dernier se présentait dans un nombre limité de villes. Dans bien des cas, les électeurs qui voulaient voter pour lui devaient donc choisir un autre parti, Ecolo y compris, voire s'abstenir ! Il est d'ailleurs à noter que, dans de nombreuses communes où le PTB avait déposé une liste, le progrès d'Ecolo est moindre. Le PTB devance même celui-ci dans les deux plus grandes villes de Wallonie, Charleroi et Liège : respectivement 15,73 % contre 7,39 % et 16,32 % contre 14,75 % !

 

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La question centrale qui taraude maintenant un paquet d'observateurs et d'acteurs politiques est celle de savoir si le PTB va/veut entrer dans des majorités communales «progressistes». Par exemple à Molenbeek où le PS conquérant de Catherine Moureaux a d'emblée proposé une alliance aux amis de Raoul Hedebouw. Par exemple à Liège, Charleroi et La Louvière, où le PS -qui détient la main- a invité le PTB à des rencontres bilatérales.

Il est évident qu'il existe, derrière cette agitation, une volonté de piéger le parti de la gauche radicale, en voulant publiquement démontrer que celui-ci ne veut pas «prendre ses responsabilités» !

Mais le PTB n'est pas né de la dernière pluie ; il a répondu favorablement aux diverses invitations afin de discuter concrètement de la possibilité de constituer des majorités inédites en Wallonie et à Bruxelles.

Qu'en penser ?

Le PTB veut impulser des politiques de rupture avec le passé et il a raison.

Comme beaucoup, je n'ai pas voté pour ce parti afin qu'il contribue à mettre en oeuvre les mêmes orientations que celles des «écologistes» et des «socialistes», souvent dans le cadre de coalitions avec la droite ! Pour poursuivre dans la même voie, il suffisait alors de voter directement pour le PS ou Ecolo !

Néanmoins, ce serait une erreur de fermer, par principe, la porte à toute perspective de «majorité progressiste» ou d'entamer délibérément une partie de poker menteur dans le but de faire porter le chapeau d'un échec aux autres interlocuteurs !

Des compromis sur un projet socialement et écologiquement stimulant sont peut-être envisageables et doivent être tentés, notamment à Molenbeek où le rapport de forces est meilleur qu'à Charleroi où le PS a d'ores et déjà la majorité absolue en sièges !

Attention toutefois, il y a une différence entre compromis et compromissions, et on doute que le PTB s'engage plus avant s'il s'agit de prendre le contre-pied des objectifs qu'il a défendus pendant la campagne électorale, au risque évident de se décrédibiliser !

Les mouvements en cours sont donc particulièrement intéressants, pas seulement pour conclure éventuellement aujourd'hui, mais aussi dans une perspective future, après les élections régionales, fédérales et européennes de mai 2019.

Car sur la base des résultats engrangés ce 14 octobre, au niveau provincial, un «gouvernement des gauches» est mathématiquement envisageable en Wallonie.

Restera à vérifier la compatibilité programmatique indispensable pour une telle issue !

Mais à chaque jour suffit sa peine...

 

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07 octobre 2018

Un vote pour un programme de rupture !

Dans quelques jours, les élections communales ; dans quelques mois, les élections législatives et les élections européennes. Comment se positionner en Belgique face à ces échéances politiques ? Je ne développerai pas ici mon point de vue sous la forme d'un «article» classique mais sous la forme -plus dynamique- d'un «entretien» avec... un interlocuteur fictif.

 

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Les sondages ont toujours beaucoup de succès, surtout à l'approche d'une échéance électorale nationale. Que t'inspire celui réalisé pour Le Soir-RTL Info et publié la semaine dernière ?

Un intérêt tout-à-fait relatif. En France, un Jean-Luc Mélenchon préfère parler -ironiquement- d' «horoscopes». Cette expression me convient. Ils vous arrachent un sourire ou on les prend au sérieux ! Et dans ce deuxième cas de figure, ils favorisent de vives préoccupations et débouchent sur des extrapolations sans fin, bref ils perturbent. Il est toujours amusant d'entendre des responsables de partis (ou des observateurs) répéter qu'un sondage doit être relativisé car il n'est jamais qu'une «photographie» d'une réalité à un moment donné, et ces mêmes personnes (sans parler des militants !) les commenter avec acharnement dès qu'ils sont publiés. Surtout si les résultats leur sont favorables !

 

Précisément, jouons le jeu. Quelles sont les principales indications de cette fameuse «enquête d'opinion», réalisée dans la perspective des élections fédérales de 2019 ?

Il y a d'inévitables fluctuations par rapport à d'autres sondages, d'autant qu'il existe toujours une «marge d'erreur», mais il est difficile de parler de grands bouleversements. La NVA recule mais reste de loin de premier parti néerlandophone. Les autres partis flamands de la coalition fédérale -Open VLD et CD&V- sont plutôt stables. Le SPA tire son épingle du jeu et Groen progresse légèrement. Le Belang reprend du poil de la bête et le PvdA reste en dessous de la barre des 5 % au niveau régional. Ce qui n'exclut évidemment pas qu'il la dépasse dans tel ou tel arrondissement.

Côté wallon, le PS reste le premier parti, loin toutefois des résultats des législatives de 2014. Le MR se tasse et le PTB arrive en troisième position ! Recul confirmé du CDH et irruption de Défi. Le PP, pour sa part, demeure au dessus du seuil éligible des 5 %... Mais laissons là des chiffres qui seront vite oubliés lorsque les citoyens voteront, car c'est finalement le seul «sondage» important...

 

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Aucune conclusion ne peut donc être tirée de ce bruit médiatique récurrent ?

Rien de définitif, certainement. Mais au delà des sondages, nous pouvons nous appuyer sur les résultats des scrutins de ces 40 dernières années, bien réels eux, et les confronter à cette inflation récurrente de chiffres.

 

C'est-à-dire ?

Avec notre système électoral de type proportionnel et compte-tenu de l'éparpillement des listes et des résultats, les coalitions de partis sont inévitables. Prenons le niveau fédéral, qui reste le plus décisif malgré le processus de fédéralisation de l'Etat. Au début des années '80, nous avons eu droit aux gouvernements Martens-Gol, coalitions musclées des droites. Ensuite, durant 25 ans, retour à des alliances gouvernementales du PS avec la droite, bref la traditionnelle «politique de collaboration de classe» de la social-démocratie. Enfin, depuis 2014, nous voilà à nouveau avec une coalition des droites totalement décomplexées, articulée autour de la teigneuse NVA. Pendant toute ces décennies, c'est l'austérité budgétaire et des mesures fortes de «libéralisation» -inspirées directement par l'Union européenne réellement existante, celle du capital !- qui ont toujours été au menu de la population.

 

Et demain ?

Les perspectives ne sont guère réjouissantes !

 

Michel II est déjà planifié ?

Si cela s'avère mathématiquement possible, ils n'hésiteront pas longtemps !

 

Qu'en est-il justement des actuelles projections en sièges ?

Le politologue de l'ULB, Pascal Delwit, a fourni à cet égard d'intéressantes données. Avec les réserves d'usage évidemment.

Pour la Belgique :

 

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Pour la Wallonie :

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Un premier constat : l'actuel gouvernement fédéral ne disposerait plus de la majorité à la Chambre : 71 députés sur 150. Mais l'apport du CDH suffirait à combler ce déficit !

Deuxième constat : la faiblesse des «gauches» (les guillemets sont naturellement de circonstance). Socialistes,écologistes et PTB -ensemble!- obtiendraient 55 parlementaires fédéraux. Impossible, dans ces conditions, d'envisager la moindre coalition gouvernementale, en admettant même qu'ils le souhaiteraient !

Troisième constat, au niveau wallon, où le centre de gravité politique est beaucoup plus à gauche qu'en Flandre, la majorité MR-CDH serait en déconfiture. A l'inverse, une coalition PS-Ecolo-PTB -celle souhaitée par certains dirigeants de la FGTB wallonne- serait arithmétiquement possible, bien qu'un peu juste : 38 sièges sur 75 ! Mais politiquement, vu le positionnement ré-affirmé d'Ecolo et du PS, cette perspective semble bel et bien exclue !

Quatrième constat, la présence confirmée de l'extrême-droite. Il y avait déjà le Vlaams Belang ; il y a maintenant le Parti Populaire qui s'incruste et grignote des mandats, bénéficiant sans doute des «affaires» (Publifin, Samu social, ...), et du climat raciste et anti-migrants.

 

Une véritable alternative politique est donc exclue ?

Sauf tsunami électoral du PTB, oui ! Toute boutade mise à part, il faut voir la réalité telle qu'elle est et non telle que l'on voudrait qu'elle soit : à court terme, il n'existe collomb bonimenteur.jpgeffectivement pas d'alternative sur le plan institutionnel au niveau de l'Etat-Belgique. Au lendemain de mai 2019, ce sera soit la reconduction d'une coalition à droite toute, soit le retour du PS dans le cadre d'une sempiternelle alliance avec ces piliers de la droite que sont le MR-Open VLD, sans oublier le CD&V. Et à entendre un Di Rupo, un accord avec la NVA n'est même plus à exclure...

 

Cependant, en Wallonie...

...Une majorité de gauche est certes théoriquement possible, compte tenu des chiffres mentionnés plus haut et qui devront bien sûr être confirmés. Dans les faits, néanmoins, ce sera très difficile car, encore une fois, Ecolo et le PS répètent à l'envi qu'ils ne veulent pas gouverner avec le PTB ! Et, par ailleurs, ce dernier refuse de s'engager dans tout exécutif qui ne romprait pas avec les politiques du passé, ce en quoi il a totalement raison.

 

Mais alors, comment sortir d'une telle impasse ?

Les adeptes du discours «seules les luttes comptent» ont encore de beaux jours devant eux. Problème : les «luttes» n'ont rien stoppé au cours de toutes ces années «austéritaires». Ni les trains de mesures rétrogrades de Martens-Gol ; ni le «plan global», le «pacte des générations», la ratification des «traités européens», la déstabilisation de la Sécu, les privatisations ou la chasse aux chômeurs mis en oeuvre pendant un quart de siècle avec la complicité du SPA-PS ; ni bien entendu la furieuse offensive anti-sociale engagée depuis 4 ans par les compères du MR et de la NVA ! De surcroît, la nécessité évidente de se battre n'épuise pas la question du «débouché politique». Or, pour gagner, tout mouvement social/politique qui a pour ambition de changer radicalement la donne doit pouvoir «marcher sur les deux jambes», les mobilisations et les prolongements institutionnels de celles-ci...

 

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Les succès ont été rares parce que les réactions syndicales ont sans doute été insuffisantes. Il suffirait peut-être de hausser le ton pour imposer d'autres orientations politiques, non ?

Il est difficile d'imaginer un rapide revirement dans la stratégie de la CSC et de la FGTB. Ces organisations ont toujours misé sur la «concertation». Et maintenant que celle-ci est en déliquescence, leurs dirigeants se retrouvent dans la même situation qu'un crabe plaqué sur le sable lorsque la mer se retire soudainement ! Ils sont d'autant plus désorientés qu'ils ne voient pas comment pourraient se concrétiser des majorités et des politiques qui répondent à leurs voeux, pour reprendre la question du «nécessaire prolongement aux luttes» évoquée plus haut. Certes, sur papier et avec quelques yaka de circonstance, tout serait facile, à commencer par une grève générale à durée illimitée. Sauf que nous ne sommes plus en 1936 ou en 1960-61, que le monde a évolué très vite, à commencer par le «monde du travail», et que cette exigence de grève générale semble peu «matérialisable» dans la conjoncture actuelle.

 

Les travailleurs ne remettent plus en cause le capitalisme et sont dès lors intégrés dans celui-ci ?

Ils y vivent et l'imaginaire collectif a été colonisé par l'imaginaire d'un modèle productiviste et consumériste. Est-ce de l' «intégration» ou «simplement» de l' «aliénation» ? Et puis, il ne faut pas sous-estimer le poids des défaites du XXème siècle et l'échec du «communisme» qui ont accrédité l'idée qu'il n'existait aucune solution de rechange attractive au capitalisme !

 

Triste état des lieux...

... A l'évidence. J'ajoute que la tendance au repli sur la sphère privée et les processus d'individualisation des rapports sociaux constituent également une difficulté supplémentaire pour tout combat émancipateur.

 

No future ?

C'est aller vite en besogne même si la «crise du réchauffement climatique» constitue, à terme, une vraie menace pour l'espèce humaine. Pour en revenir à notre «ici et maintenant», fort heureusement, il y a bel et bien des contestations du système d'hégémonie néo-libérale. Encore faut-il comprendre qu'il ne s'agit plus simplement du vieux conflit «bourgeoisie-prolétariat» mais des conséquences de l'émergence de multiples mouvements sociaux qui ont engagé des combats divers : féministes, écologiques, anti-racistes, minorités sexuelles... Il ne s'agit donc plus seulement d'un affrontement «gauche-droite» vertébré par la «classique lutte de classe» mais d'une opposition plus large entre une oligarchie et le peuple. Mais là, nous entrons dans un vaste débat autour d'une problématique mise à toutes les sauces : le «populisme». Et il faut toujours se méfier des concepts en «isme»...

 

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Revenons-en, par conséquent, à nos échéances immédiates, les élections qui vont se multiplier en quelques mois... Que faire ?

Voter. C'est obligatoire. Ou plus exactement, les électeurs et électrices sont contraints de se rendre aux bureaux de vote, pas nécessairement de choisir un parti ou un(e) candidat(e). Après tout, un vote blanc ou un vote nul représentent aussi un signal politique. Ce n'est toutefois pas celui que je préconise.

 

Un «vote utile» est donc quand même nécessaire  ?

Je n'aime pas cette expression de «vote utile». Utile à quoi ? Utile à qui ? Utile pour faire quoi ? Il ne s'agit pas ici d'un froid calcul utilitariste, ni de feeling, ni de sentimentalisme, ni même de connivence idéologique. Il s'agit d'une analyse politique concrète d'une situation politique concrète !

 

Aujourd'hui, quelle est donc cette fameuse donne ?

La Belgique est l'un des pays fondateurs de l'Union européenne et celle-ci dicte à ses Etats membres -et à ceux qui les gouvernent- une politique qui traduit les principes -oserais-je dire «idéologiques»- du néo-libéralisme. Cette orientation a été bétonnée dans des «traités», imposés aux peuples (rappelez-vous le funeste épisode des referendum en France ou aux Pays-Bas, en 2005), et majoritairement ratifiés par les parlements nationaux (et les partis qui les composent) malgré une opposition populaire réelle. Chez nous, le PS les a votés sans états d'âme et il s'est même trouvé des députés Ecolo pour lui emboîter le pas ! Seul le PTB s'y est clairement opposé.

Par ailleurs, le PS n'a nullement abandonné sa ligne d'accompagnement de la trajectoire du capitalisme, et les responsables écologistes campent obstinément sur une position «ni...ni...». Ce qui les conduit à nouer régulièrement des alliances avec tout et n'importe qui, droite libérale y comprise, leur seule exclusive semblant précisément être... le PTB, associé pour la circonstance à l'extrême-droite !

 

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Or, parmi tous les partis -je parle de ceux qui ont une implantation régionale et/ou nationale significative- le PTB est sans conteste le seul à défendre sans ambiguïté d'autres perspectives que celles issues de la tambouille néo-libérale. Le PTB est le seul à s'engager clairement sur un refus d' «exercice du pouvoir» avec la droite, que ce soit le MR ou le CDH. Et le PTB affirme tout aussi clairement qu'il ne gouvernera pas pour mener des politiques d'austérité autoritaires qui cadrent avec les recommandations de la Commission européenne ! Que ce soit en matière de politique salariale, de sécurité sociale, de défense des services publics, de fiscalité ou de transition écologique, le programme du PTB constitue un programme de rupture avec la doxa réactionnaire, sans commune mesure avec les platitudes programmatiques des autres partis !

Il n'y a donc pas à hésiter : dans la situation actuelle, il faut voter PTB chaque fois que c'est possible.

 

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ANNEXES

 

1. Les principaux résultats du sondage RTL-Info/Le Soir

https://www.rtl.be/info/belgique/politique/grand-barometr...

 

2. Et en Flandre ?

Voici la projection de Pascal Delwit :

 

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Tout dessin supplémentaire serait inutile : le centre de gravité politique est nettement situé à droite ! A elle seule, la NVA disposerait du même nombre de sièges que Groen-Spa-PVdA réunis ! : 33 ! Si l'on ajoute les 21 strapontins du CD&V et les 17 de l'Open VLD, on arrive ainsi à 71 sièges sur 118 ! L'extrême-droite (Le Vlaams Belang), pour sa part, obtiendrait 13 sièges, soit six fois plus que le PVdA !

 

3. Concernant une question qui semble beaucoup tarauder, une réponse du porte-parole du PTB :

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

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24 septembre 2018

Marx dans le texte (18)

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« Après avoir montré que la résistance périodiquement exercée de la part de l'ouvrier contre la réduction des salaires et les efforts qu'il entreprend périodiquement pour obtenir des augmentations de salaires sont inséparablement liés au système du salariat et sont provoqués par le fait même que le travail est assimilé aux marchandises et soumis par conséquent aux lois qui règlent le mouvement général des prix; après avoir montré, en outre, qu'une hausse générale des salaires entraînerait une baisse générale du taux du profit, mais qu'elle serait sans effet sur les prix moyens des marchandises ou sur leurs valeurs, maintenant il s'agit finalement de savoir jusqu'à quel point, au cours de la lutte continuelle entre le capital et le travail, celui-ci a chance de l'emporter.

Je pourrais répondre de façon générale et vous dire que le prix du marché du travail, de même que celui de toutes les autres marchandises, s'adaptera, à la longue, à sa valeur; que, par conséquent, en dépit de toute hausse et de toute baisse, et quoi que fasse l'ouvrier, il ne recevra finalement en moyenne que la valeur de son travail, qui se résout dans la valeur de sa force de travail, laquelle est déterminée, à son tour, par la valeur des moyens de subsistance nécessaires à sa conservation et à sa reproduction, et dont la valeur est finalement réglée par la quantité de travail qu'exige leur production.

Mais il y a quelques circonstances particulières qui distinguent la valeur de la force de travail, la valeur du travail, des valeurs de toutes les autres marchandises. La valeur de la force de travail est formée de deux éléments dont l'un est purement physique et l'autre historique ou social. Sa limite ultime est déterminée par l'élément physique, c'est-à-dire que, pour subsister et se reproduire, pour prolonger son existence physique, il faut que la classe ouvrière reçoive les moyens de subsistance indispensables pour vivre et se multiplier. La valeur de ces moyens de subsistance de nécessité absolue constitue par conséquent la limite ultime de la valeur du travail. D'autre part, la longueur de la journée de travail a également des limites extrêmes, quoique très extensibles. Ses limites extrêmes sont données par la force physique de l'ouvrier. Si l'épuisement quotidien de sa force vitale dépasse un certain degré, celle-ci ne pourra pas fournir journellement une nouvelle activité. Néanmoins, comme nous l'avons dit, cette limite est très extensible. Une succession rapide de générations débiles et à existence brève approvisionnera le marché du travail tout aussi bien qu'une série de générations fortes et à existence longue.

Parallèlement à cet élément purement physiologique, la valeur du travail est déterminée dans chaque pays par un standard de vie traditionnel. Celui-ci ne consiste pas seulement dans l'existence physique, mais dans la satisfaction de certains besoins naissant des conditions sociales dans lesquelles les hommes vivent et ont été élevés. Le standard de vie anglais pourrait être réduit à celui de l'Irlande, le standard de vie d'un paysan allemand à celui d'un paysan de Livonie. L'importance du rôle que jouent à cet égard la tradition historique et les habitudes sociales, vous pourrez la voir dans l'ouvrage de M. Thornton sur la Surpopulation. Il y montre que les salaires moyens dans diverses régions agricoles d'Angleterre, encore de nos jours, diffèrent plus ou moins suivant les circonstances plus ou moins favorables dans lesquelles ces régions sont sorties du servage.


Cet élément historique ou social qui entre dans la valeur du travail peut augmenter ou diminuer, disparaître complètement, de telle sorte que la limite physiologique subsiste seule. Du temps de la guerre contre les Jacobins, entreprise, comme disait le vieux George Rose, budgétivore et sinécuriste impénitent, pour mettre les consolations de notre sainte religion à l'abri des incursions de ces mécréants de Français, les honnêtes fermiers anglais que nous traitions si tendrement dans un chapitre précédent abaissèrent les salaires des ouvriers agricoles même au-dessous du minimum purement physique et firent ajouter, moyennant les Lois des pauvres, ce qui était nécessaire à la conservation physique de la race. C'était une manière glorieuse de transformer l'ouvrier salarié en esclave et le paysan libre et fier de Shakespeare en un indigent assisté.


Si vous comparez les salaires normaux, c'est-à-dire les valeurs du travail dans différents pays et à des époques historiques différentes dans le même pays, vous trouverez que la valeur du travail elle-même n'est pas une grandeur fixe, qu'elle est variable même si l'on suppose que les valeurs de toutes les autres marchandises restent constantes.

D'une comparaison analogue des taux du profit sur le marché il ressortirait que non seulement ceux-ci varient, mais que varient aussi leurs taux moyens.

Mais, en ce qui concerne les profits, il n'existe pas de loi qui déterminerait leur minimum. Nous ne pouvons pas dire quelle est la limite dernière de leur baisse. Et pourquoi ne pouvons-nous fixer cette limite ? Parce que nous sommes bien capables de fixer les salaires minimums, mais non les salaires maximums. Nous pouvons seulement dire que les limites de la journée de travail étant données, le maximum des profits correspond à la limite physiologique la plus basse des salaires et que, étant donné les salaires, le maximum des profits correspond à la prolongation de la journée de travail encore compatible avec les forces physiques de l'ouvrier. Le maximum du profit n'est donc limité que par le minimum physiologique de salaire et le maximum physiologique de la journée de travail.

Il est clair qu'entre ces deux limites du taux maximum du profit, il y a place pour une échelle immense de variations possibles. Son degré n'est déterminé que par la lutte incessante entre le capital et le travail; le capitaliste essaye continuellement d'abaisser les salaires à leur minimum physiologique et de prolonger la journée de travail à son maximum physiologique, tandis que l'ouvrier exerce constamment une pression dans le sens opposé.La chose se réduit à la question du rapport des forces des combattants.

En ce qui concerne la limitation de la journée de travail en Angleterre ainsi que dans tous les autres pays, elle n'a jamais été réglée autrement que par l'intervention législative. Sans la pression constante des ouvriers, agissant du dehors, jamais cette intervention ne se serait produite. En tout cas, le résultat n'aurait pas été obtenu par des accords privés entre les ouvriers et les capitalistes. Cette nécessité même d'une action politique générale est la preuve que, dans la lutte purement économique, le capital est le plus fort.

Quant aux limites de la valeur du travail, leur fixation dépend toujours en fait de l'offre et de la demande. J'entends par là la demande de travail de la part des capitalistes et l'offre de travail faite par les ouvriers. Dans les pays coloniaux, la loi de l'offre et de la demande favorise l'ouvrier. De là, le niveau relativement élevé des salaires aux Etats-Unis d'Amérique. Le capital a beau s'y évertuer; il ne peut empêcher que le marché du travail ne s'y vide constamment par la transformation continuelle des ouvriers salariés en paysans indépendants, se suffisant à eux-mêmes. La situation d'ouvrier salarié n'est, pour une très grande partie des Américains, qu'un stade transitoire qu'ils sont sûrs de quitter au bout d'un temps plus ou moins rapproché. Pour remédier à l'état de choses existant aux colonies, le paternel gouvernement anglais a adopté, pendant un certain temps, ce que l'on appelle la théorie de la colonisation moderne, qui consiste à élever artificiellement le prix de la terre aux colonies dans le but d'empêcher la transformation trop rapide du salarié en paysan indépendant.

Passons maintenant aux pays de vieille civilisation, où le capital domine entièrement le processus de la production. Prenons, par exemple, la hausse des salaires des ouvriers agricoles en Angleterre de 1849 à 1859. Quelle en fut la conséquence ? Les cultivateurs n'ont pas pu, comme le leur aurait conseillé notre ami Weston, élever la valeur du blé, pas même son prix sur le marché. Il leur fallut, au contraire, en accepter la baisse. Mais pendant ces onze années, ils introduisirent des machines de toutes sortes, appliquèrent des méthodes scientifiques nouvelles, convertirent une partie des terres arables en pâturages, augmentèrent l'étendue des fermes et, du même coup, le volume de la production; par ces moyens et par d'autres encore, ayant diminué la demande du travail par l'augmentation de sa force productive, ils créèrent de nouveau un excédent relatif de la population des ouvriers agricoles. Telle est la méthode générale suivant laquelle s'accomplissent plus ou moins rapidement, dans les vieux pays depuis longtemps habités, les réactions du capital contre les augmentations de salaires. Ricardo fait remarquer très justement que la machine est en concurrence continuelle avec le travail, et que souvent elle ne peut être introduite que lorsque le prix du travail a atteint un certain niveau; mais l'emploi de la machine n'est qu'une des nombreuses méthodes pour accroître la force productive du travail. Ce développement même qui crée une surabondance relative du travail ordinaire simplifie, d'autre part, le travail qualifié et ainsi le déprécie.

La même loi se fait sentir sous une autre forme. Avec le développement de la force productive du travail, l'accumulation du capital s'accélère beaucoup, même en dépit d'un taux de salaire relativement élevé. On en pourrait conclure, comme Adam Smith, du vivant duquel l'industrie moderne n'était encore qu'à ses débuts, que l'accumulation accélérée du capital doit nécessairement faire pencher la balance en faveur de l'ouvrier en créant une demande croissante de travail. Pour cette même raison, un grand nombre d'écrivains contemporains se sont étonnés que les salaires n'aient pas augmenté davantage, alors que le capital anglais s'est accru dans ces vingt dernières années beaucoup plus rapidement que la population anglaise. Mais, parallèlement à l'accumulation continuelle du capital, il s'opère une modification croissante dans la composition du capital. La portion du capital total, qui consiste en capital fixe, machines, matières premières, moyens de production de toutes les sortes possibles, s'accroît plus rapidement comparativement à l'autre portion du capital qui est employée en salaires, c'est-à-dire à l'achat du travail. Cette loi fut établie sous une forme plus où moins exacte par Barton, Ricardo, Sismondi, le professeur Richard Jones, le professeur Ramsay, Cherbuliez et plusieurs autres.


Si le rapport entre ces deux éléments du capital était à l'origine 1 contre 1, il devient au cours du progrès de l'industrie 5 contre 1, etc. Si sur un capital total de 600, on en investit 300 en instruments, matières premières, etc., et 300 en salaires, il n'y aura qu'à doubler le capital total pour créer une demande de 600 ouvriers au lieu de 300. Mais si, sur un capital de 600, 500 sont investis en machines, matériaux, etc., et 100 seulement en salaires, il faudra porter le même capital de 600 à 3 600 pour créer une demande de 600 ouvriers au lieu de 300. Dans le développement de l'industrie, la demande de travail ne marche donc pas de pair avec l'accumulation du capital. Elle s'accroîtra sans doute, mais dans un rapport constamment décroissant relativement à l'augmentation du capital.

Ces quelques indications suffiront à montrer que le développement même de l'industrie moderne doit nécessairement faire pencher toujours davantage la balance en faveur du capitaliste contre l'ouvrier et que, par conséquent, la tendance générale de la production capitaliste n'est pas d'élever le niveau moyen des salaires, mais de l'abaisser, c'est-à-dire de ramener, plus ou moins, la valeur du travail à sa limite la plus basse. Mais, telle étant la tendance des choses dans ce régime, est-ce à dire que la classe ouvrière doive renoncer à sa résistance contre les atteintes du capital et abandonner ses efforts pour arracher dans les occasions qui se présentent tout ce qui peut apporter une amélioration temporaire à sa situation ? Si elle le faisait, elle se ravalerait à n'être plus qu'une masse informe, écrasée, d'êtres faméliques pour lesquels il n'y aurait plus de salut. Je pense avoir montré que ses luttes pour des salaires normaux sont des incidents inséparables du système du salariat dans son ensemble, que, dans 99 cas sur 100, ses efforts pour relever les salaires ne sont que des tentatives pour maintenir la valeur donnée au travail, et que la nécessité d'en disputer le prix avec le capitaliste est en connexion avec la condition qui l'oblige à se vendre elle-même comme une marchandise. Si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d'entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure.

En même temps, et tout à fait en dehors de l'asservissement général qu'implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s'exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu'ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu'ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu'ils n'appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché. Il faut qu'ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société. Au lieu du mot d'ordre conservateur: "Un salaire équitable pour une journée de travail équitable", ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire: "Abolition du salariat". »

 

 

[Karl Marx, Salaire, prix et profit, 1865]

 

 

 

 

 

 

 

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